Occlusion et prothèse implanto-portée

Occlusion et prothèse implanto-portée par Patrick Simonet

 

L’OCCLUSION EST-ELLE UN FACTEUR DE RISQUE ou non ? Dans la littérature, sur 4,6% d’échecs tardifs, 90% sont en rapport avec une péri-implantite et 10% sont dus à l’occlusion. Si l’on prend en compte tous les facteurs intervenant dans un traitement en allant du général au particulier (étapes chirurgicales, stade prothétique, laboratoire, clinique), on se rend compte que nous n’avons que peu de certitudes sur ce sujet. Il s’agit donc de dégager certains axes de réflexion afin de diminuer à chaque étape du traitement toute surcharge potentielle par les contraintes occlusales.

 

Au stade chirurgical

Les contraintes occlusales transmises varient selon la géométrie de l’implant : si le diamètre des implants est augmenté, les contraintes au col de l’implant sont diminuées. Paradoxalement, augmenter la longueur des implants ne diminue pas la répartition des contraintes. Au contraire, les contraintes de cisaillement dans l’implant sont favorisées. Les implants courts absorbent mieux les contraintes. L’augmentation du nombre d’implants diminue les contraintes occlusales.

 

Au stade prothétique

Quel est le meilleur compromis entre le risque mécanique et le bénéfice esthétique et économique souhaité ? Faut-il jouer sur le choix du matériau utilisé sur les faces occlusales ? Dans les années 80, nous n’utilisions que la résine pour « protéger » les implants mais aux dépens de l’esthétique et de l’efficacité masticatoire. Dans les années 90, nous utilisions l’or, aussi inesthétique que coûteux, mais qui avait l’avantage de procurer un excellent calage occlusal. Afin d’allier les propriétés mécaniques au résultat esthétique, il a été proposé d’utiliser les résines chargées. Malheureusement, leur structure biphasée a engendré des décohésions du matériau et des séparations de l’armature, ce qui les a condamnées rapidement.

Puis, nous en sommes venus à la céramique avec son cortège de problèmes potentiels bien connu en prothèse sur dents naturelles. Aujourd’hui, nous en sommes à utiliser la céramique tout en préférant l’emploi de faces occlusales en or chez les patients parafonctionnels. Chez ces derniers, il ne faut pas hésiter à passer par de longues phases de temporisation au cours desquelles sont utilisés des bridges provisoires avec des faces occlusales en or qui peuvent être coulées à partir du métal de récupération d’anciennes prothèses déposées. Nous préférons les prothèses scellées plutôt que les prothèses vissées. Elles transmettent en effet beaucoup moins de contraintes internes lors du scellement par rapport au vissage surtout lorsque celui-ci n’est pas totalement passif. L’avantage du vissage étant toutefois la possibilité de ré-intervention facilitée. À chacun de faire son choix en fonction de ses propres priorités.

Avec la prothèse scellée, l’accès au puits de la vis du faux moignon est condamné. Afin de remédier à cet inconvénient, et pour être prévoyant en cas de dévissage du pilier prothétique, nous demandons à notre prothésiste de placer un peu de maquillant à l’aplomb de la vis sur la face occlusale en céramique afin de repérer l’endroit d’un éventuel perçage pour accéder à la vis de pilier.

 

Au laboratoire

Nous savons qu’un cycle de mastication horizontal généré par un patient parfonctionnel est potentiellement plus dangereux car les forces développées sont plus obliques. Il faut donc, autant faire se peut, orienter les forces le plus axialement possible et éviter les guidages travaillants et non travaillants. D’un point de vue scientifique, solidariser les éléments prothétiques entre eux ne diminue pas la surcharge occlusale en la répartissant mieux. Toutefois, d’un point de vue clinique, il est préférable de solidariser ce qui facilite les réglages lors des essayages prothétiques. Il a longtemps été préconisé de diminuer la largeur des surfaces occlusales afin de diminuer les contraintes. Là encore, en l’absence de toute certitude scientifique, il convient de traiter la morphologie occlusale des prothèses sur implants de la même manière que les prothèses sur dents naturelles : hormis un déport important de l’axe de l’implant par rapport au centre de la surface occlusale, réduire la largeur ne réduit en rien les contraintes appliquées.

 

Lors de la mise en place clinique

Faut-il mettre les prothèses sur implants en sous-occlusion ? Rien dans la littérature scientifique ne permet d’y répondre de manière certaine. Mis à part, la situation clinique très particulière d’un édentement encastré avec des piliers naturels adjacents parodontalement atteints et mobiles, la mise en sous occlusion des prothèses implanto-portées n’apporte aucune diminution des contraintes occlusales exercées. De plus, l’absence de calage peut avoir d’autres conséquences néfastes dans les rapports mandibulomaxillaires.

Il n’existe pas de concept occlusal idéal et spécifique en denture naturelle ni a fortiori en implantologie. En revanche, comme la prothèse sur implant n’autorise aucune marge de compensation, il faudra instaurer un suivi occlusal plus attentif qu’en denture naturelle. En conclusion, en dehors des parafonctions, le rôle de l’occlusion est rarement l’élément déterminant dans les fractures implantaires. Toutefois, mal maitrisé, il constitue au minimum un facteur précipitant voire aggravant dans les échecs prothétiques. La véritable interrogation est de savoir quand une contrainte occlusale devient une surcharge fonctionnelle, ce qui, à la lumière des publications actuelles, reste à déterminer.