1980-2010 : ce qui a changé en chirurgie muco-gingivale

par Bernard Schweitz

LA DÉNOMINATION de chirurgie mucogingivale, introduite dans les années 1950, n’est plus vraiment utilisée aujourd’hui. On parle davantagede chirurgie plastique parodontale qui est un terme moins restrictif puisqu’il englobe la correction des défauts des tissus mous et des tissus durs. Cette technique se distingue de la chirurgie parodontale qui traite les séquelles de la maladie parodontale.

L’évolution la plus marquante de cette « ex-chirurgie muco-gingivale » s’est produite au début des années 1980 par un véritable changement de fond des indications du traitement des récessions gingivales.

L’idée courante qu’un défaut de gencive attachée (arbitrairement fixée à 2 mm) associée à une dénudation radiculaire ne permettait pas le maintien de la santé parodontale a été bousculée par de nombreuses études cliniques démontrant précisément le contraire. De plus, il a été mis en évidence que les récessions gingivales ne sont pas forcément évolutives et qu’il n’est plus justifié de recourir systématiquement à une greffe gingivale (parfois improprement nommée « greffe d’arrêt ») pour prévenir une hypothétique progression des dénudations radiculaires.

Les notions actuelles indiquent un traitement des dénudations radiculaires lorsqu’il existe :

• une inflammation des tissus marginaux malgré la suppression des facteurs locaux de rétention de plaque (l’anatomie des tissus ne permettant pas un brossage efficient) ( photo n°1 ) ;

• Une demande esthétique ( photo n°2 ) ;

• Éventuellement des sensibilités radiculaires (le recours à des désensibilisants dentinaires peut cependant être tenté au préalable).

La première situation est probablement le dernier champ d’indication de la greffe épithélio-conjonctive. L’objectif est de modifier l’anatomie des tissus en recréant de la gencive pour permettre un brossage efficient. Ces cas de figure sont peu fréquents et généralement rencontrés à l’arcade mandibulaire, notamment dans le secteur antérieur.

Dans les deux autres situations, les techniques de greffes de tissu conjonctif enfoui associées à un lambeau déplacé en direction coronaire sont davantage utilisées dans la mesure où elles offrent le plus de prévisibilité dans le recouvrement. Dans le cas des demandes esthétiques, il existe la contrainte supplémentaire d’obtenir un aspect naturel, « biomimétique », après cicatrisation ( photo n°3 ). De nombreuses techniques opératoires utilisant le tissu conjonctif ont été décrites. La logique actuelle est de supprimer les incisions de décharge tout en recherchant un déplacement en direction coronaire des tissus marginaux recouvrant totalement le greffon. Le respect de ces principes n’est pas toujours possible dans le cas de récessions unitaires, mais les récessions multiples peuvent être efficacement corrigées par la technique chirurgicale du greffon conjonctif tunnelisé décrite par Azzi & Étienne (1998).

Schématiquement, nous voyons donc que nous sommes passés de la chirurgie muco-gingivale, qui corrigeait des défauts de gencive attachée, à la chirurgie plastique parodontale, qui recouvre des dénudations radiculaires.

 

Photo n°1  :  Inflammation persistante après un traitement prophylactique. Cette situation est éligible d'une greffe épithélio-conjonctive.

 

Photo n°2  :  Demande d'un recouvrement radiculaire pour des raisons esthétiques.

 

Photo n°3  :  « Biomimétisme gingival » après greffon conjonctif tunnélisé déplacé en direction coronaire.