Le traitement canalaire en une séance est-il toujours possible ?

par Dominique Martin

LA QUESTION DU NOMBRE DE SÉANCES de traitement nécessaires pour mener à bien un traitement endodontique se pose de puis de nombreuses années et concerne avant tout les dents infectées. Dans ces situations où le réseau canalaire est envahi par les bactéries, l’objectif est d’éliminer la flore bactérienne et de neutraliser l’espace par une obturation la plus complète possible ( tableau n°1 ).

Du fait de l’extrême complexité de l’anatomie canalaire, l’élimination de son contenu est une tâche difficile et peu prédictible. L’association d’une instrumentation endocanalaire et d’une solution d’irrigation permet dans le meilleur des cas d’éliminer les débris pulpaires dans les zones accessibles à l’instrumentation, mais reste aléatoire dans les zones non instrumentées comme les isthmes ou les canaux latéraux. Lorsque la dent est infectée, les bactéries présentes dans les canaux s’organisent en biofilms sur lesquels les solutions antiseptiques ont un effet limité.

C’est pourquoi depuis de nombreuses années différents protocoles ont été proposés afin d’améliorer le nettoyage et la désinfection du système canalaire. Au cours des années 1980, des équipes scandinaves ont publié de nombreuses études sur l’utilisation de l’hydroxyde de calcium pour une obturation canalaire transitoire sur une période de quelques semaines. Ce protocole est basé sur deux postulats : « il est nécessaire d’obtenir une culture bactérienne négative avant obturation » et« L’hydroxyde de calcium permet d’obtenir une désinfection plus complète du système canalaire ». Ces deux postulats ont été remis en cause dans des études récentes. Il a été démontré que la présence d’une culture bactérienne positive avant obturation avait peu d’influence sur le taux de succès clinique. L’efficacité antibactérienne de l’hydroxyde de calcium a égale ment été remise en question, de nombreuses souches bactériennes survivant à son contact et pouvant même proliférer.

À partir de ces constatations, des études cliniques prospectives ont été conduites selon les protocoles de la dentisterie fondée sur la preuve. Ces études comparent les taux de succès clinique de dents infectées traitées en deux séances avec une obturation transitoire à l’hydroxyde de calcium entre les séances et de dents traitées en une seule séance sans constater de différence statistiquement significative ( radiographies n°2 et n°3 ). Il semble aujourd’hui que le traitement en deux séances ne soit plus justifié pour peu que le nettoyage, la mise en forme et l’irrigation aient été parfaitement conduits pour la totalité du système canalaire. Cependant, certaines situations cliniques nécessitent le report de l’obturation canalaire lorsque:

• la durée du rendez-vous ne permet pas de mener à bien le traitement dans les meilleures conditions ;

• la dent est symptomatique ;

• le séchage du canal est impossible à obtenir.

Dans ces situations l’obturation temporaire à l’hydroxyde de calcium garde un intérêt, celui de limiter la croissance bactérienne entre les séances et de réduire l’inflammation périapicale.

 

Ce qu’il faut retenir

Lors du traitement endodontique d’une dent infectée :

• l’essentiel de la désinfection canalaire est réalisé lors de l’étape de mise en  forme par l’action conjuguée de l’instrumentation et de l’irrigation ;

• si la totalité du réseau canalaire a pu être nettoyée, l’obturation peut être réalisée dans la séance avec un pronostic comparable à celui d’un traitement réalisé en plusieurs séances avec une obturation transitoire à l’hydroxyde de calcium ;

• les trois contre-indications à une obturation immédiate sont la durée du rendez-vous, une dent symptomatique, un séchage du canal impossible à obtenir.

Dans ces situations, l’obturation temporaire à l’hydroxyde de calcium est recommandée.


Figure n°1 - Tableau résumant les procédures de mise en forme les plus efficaces pour la désinfection canalaire.

 

Radio n°2 et n° 3  :  

Traitement endodontique d'une dent infectée mené en une séance et cicatrisation à un an.