Prothèse amovible totale: satisfaire aux doléances du patient

Prothèse amovible totale: satisfaire aux doléances du patient

Joël DUBREUIL

Toutes les imprécisions ou imperfections cumulées durant les différentes étapes de la réalisation d’une prothèse amovible totale (PAT) se retrouveront en fin de traitement et alimenteront les doléances du patient. L’échec résulte précisément d’une ou de plusieurs de ces doléances non satisfaites. L’attention clinique du praticien doit donc se révéler permanente. Deux familles de doléances peuvent être distinguées : les subjectives (ou psychologiques), qui correspondent à des doléances réelles (mais non objectivables), et les objectives (ou cliniques).

Doléances psychologiques

De nombreuses études soulignent l’importance, voire la prépondérance, du facteur psychologique sur la technique. Il faut appréhender le traitement du point de vue de la qualité de vie du patient. Le maître de l’évaluation n’est plus le praticien mais le patient, ce qui fait de lui un acteur à part entière du traitement.

Dès le début du traitement, le patient doit être informé des possibilités et des limites de la prothèse et il validera chaque étape de sa réalisation. Les doléances psychologiques sont toujours issues d’une inadéquation entre l’attente du patient et le résultat final. Nous ne pouvons promettre au patient qu’une seule chose : sa prothèse sera réalisée suivant les données acquises de la science.

Doléances cliniques

En ce qui concerne les doléances cliniques, il faut distinguer les blessures, le bruit, les déficits fonctionnels et l’instabilité prothétique.

Les blessures, de loin les doléances les plus fréquentes, ont deux origines possibles : l’occlusion ou des surextensions de la base. Il convient, en premier lieu, de mettre en évidence l’origine de ces blessures afin d’y remédier. Les blessures d’origine occlusale exigeront une rééquilibration. Après avoir été localisées précisément à l’aide d’un crayon dermographique, les surextensions de la base prothétique pourront être supprimées par meulage. Certaines blessures ou douleurs sont difficiles à localiser. Le recours à la Disclosing Wax® ou à un élastomère, indicateur de pression, est nécessaire.

Une autre doléance, les morsures, peut être classée dans la rubrique blessure. Celle-ci peut résulter d’un surplomb dento-dentaire insuffisant, particulièrement au niveau de la face distale de la seconde molaire mandibulaire ou à un plan d’occlusion mal localisé.

Bruit

Cette doléance, plus fréquente en présence de dents en porcelaine, a pour origine une erreur de DVO. Selon une étude de Brunello, 68 % des patients traités en PAT présenteraient une DVO incorrecte, avec pour 38 % d’entre eux une DVO trop faible et pour les 30 % restants une DVO trop importante. Le contrôle est réalisé au moyen d’un test phonétique s’agissant de la surestimation et d’un test de Shanahan (déglutition) dans les cas de sous-estimation.

Doléances fonctionnelles

Les déficits fonctionnels, esthétiques, masticatoires et phonétiques sont difficiles à corriger en fin de traitement car ils affectent le positionnement des dents et exigent un remontage de celles-ci. Ces doléances ne devraient pas survenir en fin de traitement si à chaque étape de la réalisation de la prothèse, le praticien a recueilli l’assentiment du patient.

La doléance esthétique se situe fréquemment au niveau du sillon sous-nasal. Les doléances phonétiques représentent, selon Silverman et coll., un faible pourcentage de l’ensemble des doléances (6 %) et 4 % selon Jeganathan. En réponse à cette doléance, il est indispensable de temporiser environ quatre semaines. Tel est le laps de temps nécessaire à une adaptation, le volume phonatoire étant modifié par la présence de la nouvelle prothèse. Il se crée une compensation posturale qui permet dans la majorité des cas de récupérer la phonétique originelle. Cette réadaptation se fait en partie par autocontrôle auditif, le processus pouvant être plus long chez les déficients auditifs (Burlui et coll.).

Instabilité Prothétique

56 % des doléances sont attribuées à l’instabilité prothétique. Elle peut être généralisée par un manque d’exploitation des facteurs de rétention physiques, physiologiques et anatomiques.

La langue joue un rôle prépondérant dans la stabilité de la prothèse mandibulaire. La prothèse maxillaire est plus rarement mise en cause, mais le joint vélo-palatin peut parfois être déficient. La solution réside toujours dans l’évaluation du potentiel de cha­que facteur de rétention, puis dans l’exploitation maximale de ceux-ci et enfin, si le résultat est satisfaisant, dans la réalisation d’une réfection de base.

Peut également survenir une instabilité différée. Autrement dit, au moment de la pose, il existe une très bonne rétention de la prothèse maxillaire puis, après un laps de temps plus ou moins court, celle-ci disparaît. L’instabilité différée est due à une équilibration insuffisante qui, en l’absence de douleur, a provoqué une résorption osseuse du côté de la surcharge occlusale et une perte du joint périphérique du côté opposé. Comme il y a une modification de la surface d’appui, il est impératif de remarginer l’ensemble de la prothèse maxillaire, après équilibration, avant de réaliser une réfection de base.