Le défi de l'incisive centrale supérieure en implantologie

 Le défi de l'incisive centrale supérieure en implantologie

Patrick Missika

Le remplacement de l’incisive médiale par une couronne sur implant constitue le traitement le plus élégant mais aussi le plus complexe, comme l’illustrent des cas cliniques, qui pour certains constituent des succès et pour d’autres des échecs. Le problème du diagnostic et du choix thérapeutique est illustré par un cas de fracture radiculaire que la radiographie rétroalvéolaire montre au tiers apical, mais qu’une image en trois dimensions obtenue avec le NewTom® corrige en fracture à biseau long s’achevant au tiers apical, ce qui est plus grave et justifie le choix de l’extraction de la dent et de la pose d’un implant.

Les critères de succès esthétique

Rappelons ici les critères de succès esthétique : l’alignement des collets, le respect du profil d’émergence et la présence des papilles interdentaires.

On peut également relever « les cas qu’on aime montrer », comme celui d’un implant Denar à col lisse, sans système antirotationnel, sur lequel le faux moignon est scellé et pour lequel l’absence de points de contact interproximaux s’accompagne de la présence des papilles. Ce cas réussi, à l’encontre de toutes les recommandations, est l’occasion de stigmatiser le phénomène de mode et les dogmes. Un cas d’implant anatomique de marque Frialite® est l’occasion de montrer le vieillissement plus rapide du bridge voisin sur dents naturelles.

Le succès de ces traitements est lié à la conservation de l’os cortical. Ce problème se pose donc d’emblée, dès l’avulsion qui doit être atraumatique. À cet effet, l’utilisation d’instruments spécifiques peut être d’un grand secours pour l’extraction des petits fragments.

Le remplacement par couronnes sur implants de deux incisives médiales s’avère très difficile car il faut conserver trois papilles en même temps. Dans les cas où l’on rencontre résorption et perte osseuse, il faudra savoir quand avoir recours à des greffes osseu­ses ou à la chirurgie muco-gingivale.

Le pire : la pose de l’implant en position palatine

Il convient également de mettre en garde contre les avantages escomptés de la chirurgie mini-invasive. Il s’agit là d’une chirurgie qui attire les praticiens qui ne savent ni décoller un lambeau ni le suturer. Or nous estimons qu’il faut disposer d’une grande expérience, acquise par la pose d’une centaine d’implants, pour savoir évaluer par palpation une perte de table osseuse.

La solution de l’extraction implantation immédiate n’est pas sans difficulté : lors du forage, il ne faut pas se laisser guider par l’alvéole déshabitée, mais chercher une orientation plus palatine. Avec un implant large, le risque est de voir l’implant dériver en direction vestibulaire lors de son vissage du fait de la moindre résistance de la table osseuse vestibulaire. Le succès ou l’échec est prédictible dès la phase chirurgicale car aucun laboratoire ne rattrapera les erreurs au stade prothétique. Le mieux que nous puissions faire dans le cas de résorption présenté réside dans une greffe os­seuse à partir d’un prélèvement rami­que. La pose de l’implant est ensuite suivie d’un apport de tissus mous. Puis est posé un faux moignon en titane sur lequel une couronne transitoire facilitera la maturation des tissus avant que ne soit placée la couronne céramo-céramique sur un faux moignon céramisé. Quant au pire : il s’agit de la pose de l’implant en situation palatine, lequel s’avère inutilisable !

Éviter d’implanter des patients trop jeunes

Au total, on retiendra qu’il faut évaluer le niveau d’exigence esthétique du patient (simuler avec des dents du teintier plus longues et avec des photos afin de prévisualiser le résultat), analyser le niveau de la ligne du sourire, prévoir les greffes osseuses pré-implantaires et leurs complications, éviter d’implanter les patients jeunes (âgés de moins de 20 ans) du fait de la croissance sagittale secondaire, ne pas croire au miracle car si le col implantaire est trop apical le collet le sera également et, surtout, ne pas commencer en implantologie avec le remplacement d’une incisive médiale.