Guidage antérieur déficient : les principes occlusaux des restaurations

Marcel Le Gall

 

Guidage antérieur déficient : les principes occlusaux des restaurations

  

par Marcel Le Gall

  

 

  

Vue clinique d’une béance d’origine linguale chez une adolescente.

Les béances et surplombs sont généralement la conséquence d’apraxies linguales pendant la déglutition, mais d’autres étiologies peuvent exister. Les repères occlusaux se réduisent parfois à un seul couple de dents en occlusion de chaque côté. Dans ce cas de figure, les reconstructions peuvent poser de réelles difficultés. Un rappel des éléments de la physiologie de la croissance va donner des éléments de réponse.

 

Jusqu’à 4-5 ans, la fonction dominante est sagittale (tétée, succion), et le développement de l’ATM est postéro-antérieur. De 5-6 ans à l’âge adulte, la dimension transversale de la glène est multipliée par 2,5. Ce développement est asservi à la cinématique de mastication imposée par la mise en fonction des couples de premières molaires. L’autostabilité statique et dynamique de ces dents est obtenue par des calages et guidages équilibrés et bien canalisés par un rail transversal passant par le pont d’émail. Cela leur permet de supporter seules, sans déraper, la mastication et la déglutition, mais aussi d’orchestrer la mise en place du schéma occlusal de l’adulte. Prédéterminisme génétique et fonction sont donc associés dans l’acquisition de la forme de l’articulation. Parallèlement à ce modelage, les dents suivantes s’intègrent, lors de leur apparition, au schéma de mastication des premières molaires, y compris les canines et les incisives.

Dans ce cas, l’objectif est d’avancer la fonction d’au moins un couple de dents des deux côtés. Du côté droit, les guidages de mastication perdus sur 16-46 vont être rétablis. Une nouvelle cuspide mandibulaire comportant une entrée et une sortie de cycle est créée.

 

Les cycles de mastication ont une cinématique centripète. Or, les mouvements de diduction demandés aux patients pour vérifier l’occlusion sont, à l’inverse, centrifuges et demandent des recrutements musculaires complètement différents qui entraînent un moindre rapprochement des tables occlusales et ne permettent pas de régler les guidages de mastication postérieurs.

Vue clinique du mordançage.

 

Lorsqu’il faut reconstruire l’anatomie de faces occlusales perdues, la seule trace qu’il en reste est la forme de l’articulation résultant de la fonction. Le couple première molaire a donné sa forme à l’articulation. La cinétique articulaire va permettre ensuite de retrouver son anatomie occlusale, puis, de proche en proche, celle de toutes les dents de l’arcade. Les techniques d’additions cliniques par composites tests seront privilégiées pour reconstruire les volumes perdus dans le respect ou le réaménagement de l’orientation du plan occlusal, avec parfois la retouche des dents égressées ou dont l’anatomie a besoin d’être reconformée.

Vue clinique de la nouvelle cuspide avant polymérisation.

 

La reconstruction du premier couple molaire est minutieuse dans la mesure où, au départ, le patient décrit un cycle vertical d’amplitude réduite. Mais dès le durcissement du composite, les réflexes de protection se lèvent et le patient ressent l’adjonction en surguidage. Il faut alors la retoucher progressivement pour l’accorder à la cinétique articulaire.

 

Le rétablissement des guidages du seul couple première molaire est généralement nécessaire et suffisant pour rétablir l’amplitude des cycles de mastication.

Après polymérisation, la nouvelle cuspide assure le calage vertical de l’occlusion et comporte un appui d’entrée de cycle sur son versant externe et une table de sortie sur son versant interne.

 

Accompli aussitôt ou dans une séance différée, l’ajustement des dents voisines est plus rapide. Le cycle a en effet déjà retrouvé son amplitude et le patient peut d’emblée simuler la mastication sur le composite non polymérisé. Le couple des deuxièmes prémolaires est généralement traité en second lieu puisque le centre de gravité frontal de l’arcade passe soit par la première molaire, soit, parfois, entre cette dernière et la seconde prémolaire.

Vue de l’entrée de cycle en rapport de guidage dynamique.

 

Les secondes molaires sont souvent traitées en dernier lieu. Cependant, en présence de béance, il peut se produire que les couples secondes molaires soient les seuls en occlusion. Dans ces conditions, les reconstructions occlusales se réalisent à partir de celles-ci, simultanément à la rééducation linguale.

 

Le rétablissement de la mastication à l’aide de composites sur des couronnes inadaptées sert de test pour valider, aux yeux du patient, la nécessité de refaire la prothèse. Pour ce faire, le Vertise™ de Kerr peut être utilisé comme promoteur d’adhésion à la céramique.

Vue de la sortie de cycle en contact antagoniste dynamique. Le calage a été avancé d’un couple et la cinétique des cycles de mastication est rétablie. La rééducation linguale devra se faire parallèlement au traitement occlusal.

 

Les articulateurs habituels, par la simplification de leur modèle de fonctionnement basé sur la protection canine, ne permettent pas la mise en contact des secteurs postérieurs, et donc le réglage de la mastication au laboratoire. Il faut nécessairement passer par la simulation et le réglage en bouche.

  

Avis d’auteur : la solution à la reproduction de la fonction réelle viendra de la modélisation informatique de la mastication ou/et du clonage des faces occlusales équilibrées en bouche.

 

 

 


 

Légendes des illustrations : 

Photo 1 - Vue clinique d’une béance d’origine linguale chez une adolescente. 

Photo 2 - Vue vestibulaire droite du même cas. Les rapports d’occlusion sont décalés de plus d’une demi-cuspide en classe II. Les guidages de mastication paraissent très réduits sur les dents en contact.

Shéma 3 - Dans ce cas, l’objectif est d’avancer la fonction d’au moins un couple de dents des deux côtés. Du côté droit, les guidages de mastication perdus sur 16-46 vont être rétablis. Une nouvelle cuspide mandibulaire comportant une entrée et une sortie de cycle est créée.

Photo 4 - Vue clinique du mordançage.

Photo 5 - Vue clinique de la nouvelle cuspide avant polymérisation.

Photo 6 - Après polymérisation, la nouvelle cuspide assure le calage vertical de l’occlusion et comporte un appui d’entrée de cycle sur son versant externe et une table de sortie sur son versant interne.

Photo 7 - Vue de l’entrée de cycle en rapport de guidage dynamique.

Photo 8 - Vue de la sortie de cycle en contact antagoniste dynamique. Le calage a été avancé d’un couple et la cinétique des cycles de mastication est rétablie. La rééducation linguale devra se faire parallèlement au traitement occlusal.