La restauration postérieure en l'absence de guidage antérieur

Emmanuel d'Incau


La restauration postérieure en l’absence de guidage antérieur

  

par Emmanuel d’Incau

  

 

   Patient de 58 ans présentant une importante béance antérieure. Les molaires maxillaires doivent être extraites pour raison parodontale.

Lors de restaurations prothétiques, les béances et surplombs importants constituent pour le praticien un casse-tête complexe, mais heureusement rare. L’anthropologie nous montre que le schéma occlusal adulte d’aujourd’hui correspond à celui de l’enfant de 12 ans à l’époque préhistorique. L’alimentation abrasive créait une anatomie occlusale plate avec une perte du recouvrement entraînant un bout à bout incisif et une inversion de la courbe de Wilson ou de Monson pour les anthropologues.

 

La modification de l’alimentation qui se produit au xviiie siècle conduit à un changement de l’usure physiologique des dents, accompagné de la conservation, tout au long de la vie, des rapports incisivo-canins et molaires.

 

Radiographie panoramique objectivant les atteintes parodontales terminales au niveau des molaires maxillaires.

Historiquement, la pierre angulaire de la reconstruction prothétique est le guidage antérieur qui conduit la mandibule lors des mouvements de mastication. Puis la fonction de groupe, avec une prise en charge prémolaire-molaire en diduction, est introduite. Ce sont deux conceptualisations de la physiologie.

 

Lors de grandes béances avec absence de guidage incisivo-canin ou de fonction de groupe et en l’absence de trouble fonctionnel du patient, comment procéder ? Selon les études, la fréquence des béances et surplombs est de 2,8 à 41 % chez les enfants en denture temporaire, de 0,6 à 15 % en denture mixte et de 2 à 5 % chez l’adulte. Ces chiffres peuvent s’expliquer par la levée des praxies et par la prise en charge orthodontique. Leur étiologie est multifactorielle : succions diverses, troubles génétiques.

 

Simulation sur articulateur des rapports occlusaux, après extraction des molaires maxillaires et avant traitements orthodontiques et implantaires. La fermeture de la béance doit nécessairement être accompagnée d’une rééducation linguale pour éviter la récidive.

Le déficit esthétique induit une souffrance psychique et des pathologies parodontales aggravées par la respiration buccale.

 

Cet exposé très clair et didactique d’Emmanuel d’Incau a été illustré par des cas cliniques du conférencier, qui a terminé en nous livrant son avis d’expert. Il a constaté, lors de l’absence de guidage antérieur, une augmentation de la fréquence des problèmes parodontaux, fractures et fissures des dents postérieures, et des descellements prothétiques.

 

Fermeture spontanée de la béance après extraction des molaires maxillaires. Traitement orthodontique : ingression des molaires mandibulaires et distalisation des dents maxillaires.

Les béances et surplombs nécessitent, lors de la reconstruction prothétique postérieure, une adaptation spécifique, au cas par cas, de l’anatomie occlusale.

 

La fonction et la position de la langue jouent un rôle clef dans l’absence de guidage antérieur. Il ne faut pas hésiter à questionner le patient sur des gênes musculaires ou masticatoires, et lui faire part des possibilités de suivi orthodontique et/ou orthophonique.

 

 


Légendes des photographies :

Photo 1 : Patient de 58 ans présentant une importante béance antérieure. Les molaires maxillaires doivent être extraites pour raison parodontale.

Photo 2 :  Radiographie panoramique objectivant les atteintes parodontales terminales au niveau des molaires maxillaires.

Photo 3 : Simulation sur articulateur des rapports occlusaux, après extraction des molaires maxillaires et avant traitements orthodontiques et implantaires. La fermeture de la béance doit nécessairement être accompagnée d’une rééducation linguale pour éviter la récidive.

Photo 4 : Fermeture spontanée de la béance après extraction des molaires maxillaires. Traitement orthodontique : ingression des molaires mandibulaires et distalisation des dents maxillaires.