Éclaircissement d'une dent antérieure dépulpée dyschromiée et restauration par composite collé


L’intervention de René Serfaty

  

 

Éric Bonnet présente le cas clinique que René Serfaty va traiter alors que celui-ci s’installe au fauteuil : « Nicolas a 26 ans. À 11 ans, il a subi une chute qui a causé l’extrusion de 11 et 21. Ces deux dents ont été réimplantées, puis traitées. Des années après, elles sont très dyschromiées. » Ce que nous constatons effectivement au vu des clichés préopératoires et du bilan radiologique projetés.

« Thierry Roos a refait les traitements endodontiques puis, dans un premier temps, 21 a été éclaircie. » René Serfaty va donc pouvoir présenter sur un seul patient, et le

même jour, deux étapes de ce traitement qui, normalement, sont distantes de quelques semaines : la méthode d’éclaircissement sur 11, puis la reconstruction de 21.

« Très élégant ! » Entend-on d’une endodontiste, qui attire aussi l’attention de son voisin sur la largeur de la préparation endodontique sur ces dents immatures.

René Serfaty souligne l’intérêt de l’éclaircissement, ses indications et ses contre-indications. Indiqué pour les dents peu délabrées, présentant une dyschromie d’origine traumatique ou iatrogène, c’est un « traitement très conservateur » comparé aux traitements prothétiques tels que des couronnes ou des facettes. « En revanche, il est contre-indiqué si les dents sont porteuses de reconstructions volumineuses et si elles présentent des dyschromies hétérogènes ou dues à un amalgame. »

Pendant que René Serfaty pose son champ opératoire en clampant 14 à 24, Éric Bonnet commente : « Nous utilisons une solution aqueuse de perborate de sodium qui a pour avantage de ne pas entraîner de modification structurelle de la dent, contrairement à l’éclaircissement à l’aide de peroxyde d’hydrogène (H2O2). »

À présent nous avons une vue directe sur une large entrée canalaire où subsistent beaucoup de débris : dépôts de ciment d’obturation, excès de gutta-percha et restes d’ancien composite. « Plus la cavité sera propre et meilleure sera l’efficacité de l’éclaircissement » précise Éric Bonnet.

« Oui, pour cela j’utilise un insert Perfect Margin® que je passe aussi sur les parties de dentine très colorées » confirme René Serfaty. L’instrument passe et repasse, insiste au niveau des cornes pulpaires dont les contre-dépouilles initiales ont conservé une coloration marquée.

Éric Bonnet souligne l’importance, surtout chez le patient jeune, sous peine de résorption, de l’herméticité rigoureuse que doit assurer le bouchon de 2 mm d’épaisseur, que l’opérateur va maintenant fouler sur la gutta canalaire pour isoler le traitement endodontique.

« René ! Qu’as-tu choisi : un ciment verre ionomère (CVI) ou un ciment à l’oxyphosphate de zinc ? » questionne Éric Bonnet. Réponse de René Serfaty : « Nous allons demander à Olivia, qui est en 6e année, de spatuler un oxyphosphate de zinc et, si elle réussit, elle sera validée par la salle. »

« Pour ma part, ma préférence va au CVI, plus aisé à placer » insiste Éric Bonnet de sa tribune.

« Ne stresse pas, Olivia, il y a juste 500 personnes qui te regardent ! » glisse, taquin, René Serfaty. À la mise en place du matériau, René Serfaty rencontre des difficultés car le ciment colle à son instrument et, après deux essais infructueux, présente ses excuses à l’auditoire tout en dédouanant son assistante : « J’ai oublié l’instrument dont je me sers à mon cabinet. » Puis, à la fois pragmatique et élégant : « Qui a dit préférer l’oxyphosphate ? Eh bien ! on va mettre un CVI pour faire plaisir à Éric. »

À présent, l’opérateur réalise une rigole tout autour de la cavité d’accès aux dépens de la dentine avec une fraise cône inverse montée sur contre-angle, de façon à assurer la rétention du pansement occlusif, qui devra tenir plusieurs semaines de façon hermétique. Pendant ce temps, Olivia a commencé de préparer la solution d’éclaircissement en mélangeant le perborate de sodium à de l’eau distillée. « Ou à de l’eau du robinet tout simplement » complète Éric Bonnet de la tribune. Elle écrase énergiquement le perborate de sodium à la spatule sur la face lisse de la plaque de verre jusqu’à obtenir un mélange de consistance crémeuse.

« Vous voyez, René dépose la pâte dans la chambre en l’appliquant bien sur toute la hauteur de la face vestibulaire » explique Éric Bonnet.

« Oui, et il faut bien la comprimer » ajoute René Serfaty, joignant le geste à la parole pour ensuite passer un excavateur fin dans la rigole et supprimer le perborate de sodium venu s’y loger. « Cela favorisera l’étanchéité du pansement, et une séance suffit en général. On laisse agir trois ou quatre semaines pendant lesquelles la dent va “consommer” le perborate de sodium. »

Puis, répondant à une question de la salle : « Dans neufs cas sur dix, on obtient un résultat en une ou deux séances. On va rarement jusqu’à quatre séances. »

Après avoir appliqué un eugénate à prise rapide, renforcé à la résine, de type IRM®, il reprend : « Voilà ! C’est terminé ! » Éric Bonnet poursuit : « Pour que l’IRM® pénètre bien dans la rigole, vous pouvez utiliser un brunissoir. » Il insiste : « L’étanchéité est la clef de l’éclaircissement. Un manque d’étanchéité permettrait au produit d’éclaircissement de s’échapper de la cavité, et le traitement serait inefficace. »

Passant à la séance suivante de reconstitution au composite de la dent éclaircie, la 21 en l’occurrence, René Serfaty précise : « Il faudra toujours différer la reconstitution au composite d’au moins une semaine, car il y a toujours des boues restantes qui gênent la polymérisation du composite. Il faut donc, dans un premier temps, supprimer l’IRM®, rincer abondamment le contenu de la cavité et placer une boulette de coton et un pansement occlusif. »

L’opérateur supprime le pansement occlusif et réalise un biseau long avec un insert diamanté. « Les ultrasons sont plus économes en tissu, mais une fraise diamantée fait aussi l’affaire » ajoute Éric Bonnet.

« Sur cette dent, j’avais mis un bouchon de ciment oxyphosphate que je retire aussi avec les ultrasons. En revanche, pour la 11, on laissera le CVI. »

L’adhésif choisi est un MR2 : l’OptiBond® Solo de chez Kerr et, après un mordançage de l’émail et de la dentine de 15 secondes, les étapes sont menées de façon classique. Avec toujours la même insistance pour imprégner la dentine de primer et le même respect scrupuleux du protocole décrit par le fabricant. Nous en sommes déjà au modelage final du cingulum à l’aide d’une spatule dont l’extrémité est en silicone souple. Avec l’image des mouvements élastiques de cet instrument, c’est le toucher, le coup de patte du praticien qui est mis en évidence.

Enfin un matériau qui colle mieux à la dent qu’à la spatule ! Les finitions du composite sont menées avec des fraises tungstène à structure hélicoïdale, bagues bleue et jaune, de chez Komet.

Une fois René Serfaty monté à la tribune, Meyer Fitoussi l’interroge sur le geste à effectuer si une fêlure vestibulaire se produit. « Dans ce cas, il faut combler au préalable en plaçant de l’acide puis de l’adhésif » explique René Serfaty. Cette question, et d’autres, sera l’occasion de préciser certains points.

En particulier que l’éclaircissement est un traitement temporaire, à renouveler tous les trois à cinq ans. Qu’il faut faire revenir le patient trois jours plus tard, puis une fois par semaine pour surveiller l’éclaircissement de la dent traitée afin d’éviter qu’elle ne devienne plus claire que les dents adjacentes.

Enfin, qu’une dent fine sera plus difficile à éclaircir, car le praticien aura tendance à ne pas prévoir assez de place pour l’IRM®.

 

 


Légendes des photographies :

 

photo 1 - Reprise des traitements endodontiques.

photo 2 - Champ opératoire en place de 14 à 24.

photo 3 - Suppression de l'excès de gutta : insert Perfect Margin® (Acteon).

photo 4 - application CVI : mise en place du verre ionomère pour assurer la protection canalaire.

photo 5 - Réalisation d’une rigole interne périphérique à la fraise cône renversée.

photo 6 - Préparation du mélange éclaircissant de perborate de sodium et d’eau distillée.

photo 7 - Application du mélange de consistance «neige» à la spatule sur toute la face vestibulaire.

photo 8 - Fermeture avec de l’IRM®.

photo 9 - Etat initial.

photo 10 - Résultat à un mois.