Prothèse ostéo-articulaire, immunodépression et cancérologie

Prothèse ostéo-articulaire, immunodépression et cancérologie

par Hervé Tarragano, Philippe Casamajor, Lofti Ben Slama et Yvon Roche.

 

Prothèse ostéo-articulaire  

Les prothèses ostéo-articulaires (POA) sont suscepti

bles d’être le siège d’une greffe bactérienne. Un bilan long cône doit être effectué avant leur mise en place afin de rechercher un éventuel foyer infectieux bucco-dentaire. Pour les patients dans cette situation, tous les soins invasifs peuvent être réalisés dans le respect des recommandations.

Les risques propres à la pathologie sont des douleurs articulaires, une rigidité ou une perte de la mobilité qui conduisent parfois à une déficience de l’hygiène buccale. Il est conseillé de prévoir des séances courtes, au cours desquelles il sera porté une attention particulière au confort du patient.

D’autre part, les risques associés aux traitements médicamenteux sont :

• d’ordre hémorragique (anticoagulants, AINS, aspirine). Dans ce cas, il conviendra de suivre les recommandations relatives aux AVK et anticoagulants. En ce qui concerne l’aspirine, si la dose journalière est inférieure à 325 mg et en l’absence de caractère d’urgence, on peut interrompre le traitement 5 à 10 jours avant le traitement. En cas d’urgence et de dose supérieure à 325 mg, il est recommandé de contacter le médecin traitant, de procéder à une hémostase locale rigoureuse et de programmer une visite post-opératoire.

• d’ordre infectieux. Une antibioprophylaxie est systématique pour tout patientporteur d’une POA depuis moins de 2ans.

Pour les autres patients, en l’absence de consensus, il faut prendre en compte le contexte médical. La posologie habituelle est de 3g per os pour l’amoxicilline une heure avant l’acte. En cas d’allergie on aura recours à 1g de pristinamycine ou 600mg de clindamycine.

• Une insuffisance surrénalienne en liaison avec une administration de corticoïdes.

 

Immunodépression

L’immunodépression peut être congénitale, acquise (VIH) ou iatrogène (greffes).

 

Le VIH

Les manifestations buccales fréquemment rencontrées chez les patients VIH sont la candidose bucco-oesophagienne, lamaladie de Kaposi, la leucoplasie chevelue, l’herpès, et les adénopathies cervicales.

L’efficacité des traitements antirétroviraux a permis une forte diminution de la mortalité, mais les interactions médicamenteuses et les effets indésirables sont nombreux. Lorsqu’un patient est séropositif avec des LT4 en nombre supérieur à 200 par mm3, une charge virale indétectable, asymptomatique, et sous trithérapie, il ne faut prendre aucune précaution particulière.

Au stade SIDA, c’est-à-dire lorsque les LT4 sont en nombre inférieur à 200 par mm3, avec une charge virale élevée, un patient symptomatique, et en l’absence de traitement efficace ou en période d’échappement, il faut mettre en place une antibioprophylaxie à large spectre avant tout geste invasif de la sphère buccale et prolonger le traitement jusqu’à une complète cicatrisation.

Le stade SIDA de la maladie constitue une contre-indication formelle aux implants endo-osseux. 

Les patients greffés

La plupart de ces patients sont traités à vie par des immunosuppresseurs, ce qui implique une susceptibilité aux infections, un risque de formation de tumeurs et des complications liées aux effets secondaires.

 

Les manifestations buccales rencontrées sont la candidose, l’herpès, des ulcérations, un risque accru de cancer, et unehyperplasie gingivale (ciclosporine).

Une modification du métabolisme des médicaments peut survenir en cas de défaillance de l’organe transplanté. Des précautions spécifiques sont à prendre en fonction de chaque type de transplantation.

Une antibioprophylaxie est recommandée lors des procédures bucco-dentaires invasives. Notons que pour les patients sous antibiothérapie au long cours, il faut prescrire une autre molécule.

De manière générale, il faut éviter de prescrire de l’aspirine et prendre garde aux interactions médicamenteuses (ciclosporine avec érythromycine et nifédipine). En cas de doute, il est utile de se référer au médecin traitant ou au spécialiste. La pose d’implants endo-osseux est possible avec leur accord.

 

Cancérologie

Chez le patient cancéreux, il existe des lésions bucco-dentaires liées d’une part au cancer (immunodépression, insuffisance médullaire, évolution du processus tumoral) et, d’autre part, à la thérapeutique (radiothérapie et chimiothérapie).

Les mesures préventives

Avant tout début de traitement, il est nécessaire de procéder à une remise en état de la denture si la santé du patient le permet.

Les indications d’extraction sont larges : insuffisance d’hygiène, malpositions dentaires, dents ectopiques, mobilités et surcharges occlusales associées à des problèmes parodontaux… Les extractions doivent être réalisées deux à trois semaines avant le premier traitement de chimiothérapie ou d’irradiation.

La radiothérapie

Les effets secondaires sont précoces sur les tissus mous (réactions aiguës, atrophie muqueuse, radioépithélite et radiomucite), tandis qu’ils sont plus tardifs en ce qui concerne les tissus osseux : ostéoradionécrose liée à l’altération durable de la vascularisation osseuse.

Cette ostéite chronique des maxillaires se traite par une antibiothérapie au long cours, éventuellement l’amputation d’un séquestre, voire d’un hémimaxillaire ou des lambeaux micro-anastomosés.

Une xérostomie apparaît lorsque les glandes salivaires principales se trouvent dans le champ irradié ou consécutif à un traitement médicamenteux. La prévention des lésions carieuses comprend une hygiène parfaite et une fluoration quotidien ne topique par gel disposé dans des gouttières thermoformées.

La chimiothérapie

Les effets directs par arrêt des mitoses dépendent des molécules utilisées : ulcérations de la muqueuse buccale, hyposialie, oedèmes de la face, colorations, éruptions cutanées.

Les effets indirects sont la neutropénie (ulcérations, GUN), les infections virales et mycosiques, la thrombopénie ainsi que les foyers infectieux dentaires. L’hygiène bucco-dentaire doit être surveillée.

Au sujet des foyers infectieux dentaires, on veillera à situer les interventions à distance des cures quand cela est possible. Dans le cas contraire, une hémostase locale et une antibiothérapie seront mises en place.

 

 

Légende des illustrations :

Photo n° 1 : Une prothèse ostéo-articulaire est un ajout ou une substitution synthétique destinée à remplacer en partie ou en totalité les surfaces articulaires d’une articulation.
Radio n° 2 : Prothèse d’épaule : une partie remplaçant la tête humérale est fixée sur la scapula.
Radio n° 3 : Prothèse de poignet.
Radio n° 4 : Prothèse de doigt.
Radio n° 5 : Arthrite.

 


Conférenciers : Hervé Tarragano, Philippe Casamajor, Lofti Ben Slama et Yvon Roche.

Sujet : Prothèse ostéo-articulaire, immunodépression et cancérologie

CR Journée "Patients à risque" SOP 11 mars 2010 - publiée page 37 du JSOP / n°7 / septembre 2010