Soins dentaires et pathologie cardiaque

Soins dentaires et pathologie cardiaque 

par Bernard Iung et Yvon Roche

 

DANS LA PRATIQUE QUOTIDIENNE, les patients présentant une pathologie cardiaque nécessitent une prise en charge adaptée et tenant compte des traitements en cours. Le praticien devra donc déterminer les risques potentiels liés à la pathologie, les possibilités de soins qui s’offrent à lui ainsi que les conditions dans lesquelles ceux-ci devront être réalisés.

 

Les cardiopathies ischémiques

Le patient est confronté à deux risques potentiels : le risque de syndrome coronaire aigu qui peut être provoqué par le stress lié à l’acte et/ou par l’usage abusif de vasoconstricteurs, d’une part, et le risque hémorragique lié au traitement du patient, d’autre part. S’agissant du risque de syndrome coronaire aigu, il n’est pas nécessaire d’envisager des investigations cardiaques complémentaires.

Un questionnaire simple sur les aptitudes physiques du patient va permettre de déterminer le niveau de risque qu’il présente. On distingue quatre niveaux de risque:

1.Sans risque (pas de limitation physique) ;

2.Risque faible (marche rapide limitée) ;

3.Risque modéré (difficulté à effectuer des gestes simples) ;

4.Risque sévère (incapacité à effectuer les gestes du quotidien).

En présence d’un patient sans risque ou à risque faible, tous les soins sont réalisables à condition de respecter certaines précautions. En effet, le stress étant un facteur précipitant, une mise en confiance ainsi que la mise en place d’une prémédication sédative peuvent permettre d’en limiter les effets. De même, l’usage de vasoconstricteurs est à contrôler et ne doit pas dépasser 0,04mg par séance (soit deux carpules de 1/100 000 ou quatre carpules de 1/200 000).

Lorsque le risque est modéré, les mêmes précautions sont à prendre pour la réalisation d’actes simples (actes diagnostiques, soins conservateurs simples). Toutefois, l’administration de trinitrine en début de séance est recommandée lorsque des actes plus invasifs sont envisagés (détartrage/surfaçage, chirurgie simple, soins conservateurs complexes). Tout autre type d’actes est à proscrire.

Enfin, lorsque le risque est sévère, les soins ne peuvent être envisagés. L’abstention s’impose également lorsque le patient a subi une intervention de chirurgie cardiaque récente (moins de 30jours) ou lorsqu’il a été victime d’un infarctus du myocarde dans le mois qui précède le rendez-vous.

En ce qui concerne le risque hémorragique, celui-ci s’avère en postopératoire très inférieur aux conséquences thrombo-emboliques potentielles liées à l’arrêt du traitement par antiagrégant plaquettaire. Aussi est-il recommandé de ne pas arrêter le traitement si le saignement peut être contrôlé par des mesures d’hémostase locale. Un rendez-vous postopératoire doit être établi afin de contrôler l’hémostase à 24-48 heures et toute hémorragie postopératoire nécessite une reprise chirurgicale de l’hémostase.

 

Les valvulopathies

Le patient est également confronté à deux risques majeurs: le risque d’endocardite infectieuse et le risque hémorragique lié au traitement anticoagulant. Le risque d’endocardite infectieuse constitue une complication rare, mais qui concerne dans 30% des cas des germes d’origine dentaire. Le praticien doit donc évaluer le risque en fonction de la pathologie du patient.

Patients haut risque (groupe A – carte rouge): ce sont les patients porteurs de prothè - ses valvulaires, ayant des antécédents d’endocardite infectieuse ou victimes de cardio - pathie congénitale avec shunt résiduel.

Patients à risque modéré (groupe B – carte verte) : ce sont les patients présentant des valvulopathies non opérées sans antécédents d’endocardite infectieuse.

Patients sans risque: ce sont les patients présentant des valvulopathies congénitales non opérées sans shunt résiduel, une calcification de l’anneau mitral, une communication interauriculaire non opérée…

Une antibioprophylaxie de 3 g d’amoxicilline en prise unique une heure avant le geste est recommandée pour les patients du groupe A et optionnelle pour les patients du groupe B. Dans ce second cas, d’autres facteurs vont motiver ou non l’administration prophylactique d’antibiotiques, comme les pathologies associées, le niveau d’hygiène du patient ou le risque lié au type de geste.

On parlera de geste à risque lorsqu’on aura à effectuer une intervention sur la gencive, de la région périapicale ou encore impliquant une perforation de la muqueuse buccale. En ce qui concerne le risque hémorragique, celui-ci dépend à la fois du niveau d’anticoagulation du patient (INR) et de la nature de l’acte à réaliser. Comme pour les traitements antiagrégants plaquettaires, le risque hémorragique est très inférieur au risque thrombo-embolique lié à un arrêt éventuel du traitement anticoagulant.

Aussi, les re-commandations sont les suivantes :

• Si l’INR est inférieur ou égal à 3, tous les actes, même invasifs, pourront être réalisés sans arrêt du traitement à condition d’assurer une hémostase locale rigoureuse ;

• Si l’INR est supérieur à 3, le patient ne pourra être traité qu’en milieu hospitalier.

 

 

Légendes des illustrations :

Photo n° 1 : Une thrombose sur plaque d'athérome qui entraîne un syndrome coronaire aigu (angor instable ou infarctus)

Tableau A : Gestes dentaires : Antibioprophylaxie

Tableau B : Gestes dentaires - Indications d'antibiotiques

Tableau C : Gestes dentaires : Antibioprophylaxie

 

 

Conférenciers : Bernard Iung et Yvon Roche

Sujet : Soins dentaires et pathologie cardiaque

CR Journée "Patients à risque" SOP 11 mars 2010 - publiée page 35 du JSOP / n°7 / septembre 2010