Les ulcérations buccales : est-ce toujours grave ?

Sophie-Myriam Dridi

Les ulcérations buccales : est-ce toujours grave ?

 

par Sophie-Myriam Dridi

Fig.1 : Une ulcération correspond à une perte de substance profonde intéressant tout ou partie du chorion. Le fond de la lésion est en dessous des bords muqueux adjacents non atteints.

  

 

Une ulcération correspond à une perte de substance épithélio-conjonctive, qu’il convient de distinguer de l’érosion (perte de substance uniquement épithéliale) et de la perte totale du tissu initialement atteint (fig. 1, 2, 3).

Deux critères cliniques guident le raisonnement clinique : existe-il une ou plusieurs ulcérations ? Sont-elles aiguës, récurrentes ou chroniques (présentes depuis plus de 6 semaines) ?

Fig.2 : Une érosion correspond à une perte de substance superficielle, sans destruction du chorion sous-jacent. Le fond de la lésion est pratiquement au même niveau que les bords muqueux adjacents non atteints.

 

 

Les principales ulcérations isolées

 

- Ulcération traumatique (fig. 4) :

ulcération de cause connue, aiguë et douloureuse, ou chronique et peu sensible si le trauma est entretenu, avec des bords réguliers, une base ferme non indurée, sans adénopathie et qui guérit entre 10 et 15 jours si le trauma est éliminé.

Fig.3 : Une perte de substance totale correspond à une destruction complète du tissu initialement atteint avec exposition du tissu sous-jacent (l’os dans le cas clinique présenté).

- Ulcération cancéreuse maligne (ex : carcinomes épidermoïdes, lymphome, cancers des glandes salivaires) (fig. 5) :

nodule ulcéré ou ulcération chronique, hémorragique, de forme variable irrégulière, avec des bords surélevés, éversés, durs, un fond granité, végétant ou bourgeonnant, une base indurée et une adénopathie dure non douloureuse en cas de métastase.

- Ulcération infectieuse (ex : chancre tuberculeux) :

ulcération chronique, douloureuse, avec un fond irrégulier jaunâtre, une base ferme non indurée, une adénopathie satellite, chez un individu qui tousse et dont l’état général est altéré.

 

Fig.4 : Ulcération d’origine traumatique.

 

Les principales ulcérations multiples

 

- Gingivite et parodontite ulcéronécrotiques :

ulcérations aiguës, nécrotiques des papilles, douloureuses, associées à une gingivorragie et une algie gingivale prononcée.

- Aphtoses commune et miliaire (fig. 6) :Fig.5 : Carcinome épidermoïde.

ulcérations aiguës, récurrentes (4 crises par an), avec un fond beurre frais, entourées d’un halo érythémateux, pouvant siéger sur toutes les muqueuses sauf la gencive, sans adénopathie chez un individu en bonne santé générale non médiqué.

- Ulcérations révélatrices d’une hémopathie :

ulcérations chroniques douloureuses, avec adénopathie, atteinte de l’état général et sensibles aux antibiotiques.

Fig.6 : Aphtose multiple. 

 

Les principales ulcérations qui peuvent être isolées ou multiples

 

- Ulcérations médicamenteuses (fig. 7) :

ulcérations de formes atypiques, douloureuses, survenant généralement quelques semaines après le début du traitement, sans ATCD d’aphtose et qui guérissent rapidement à l’arrêt du médicament incriminé.

- Aphtose géante :Fig.7 : Ulcération d’origine médicamenteuse.

1 à 3 aphtes > à 1 cm (fig. 8) extrêmement douloureux, entourés d’un halo érythémateux, avec des bords surélevés oedématiés, une base ferme non indurée, présents pendant des semaines et laissant des cicatrices.

- Maladies inflammatoires du tube digestif :

ulcérations multiples chroniques et douloureuses chez un patient présentant souvent des troubles digestifs.

- Sialométaplasie nécrosante :Fig.8 : Aphte géant.

ulcérations palatines postérieures, chroniques, souvent symétriques, non douloureuses, en présence de facteurs de risque (tabagisme, vomissement) et qui guérissent spontanément en 3 à 12 semaines.

- Automutilations :

ulcérations atypiques chez un individu atteint sur le plan psychiatrique.

 

 


 

Candidoses buccales : du diagnostic à la thérapeutique

 

Les caries et les maladies parodontales d’origine bactérienne sont bien connues des odontologistes. Les candidoses buccales, générées par des champignons microscopiques du genre Candida, le sont moins.

Fig.9 : Candidose aiguë érythémateuse de la langue, apparue après une prescription d’une antibiothérapie à large spectre.

Pourtant ces maladies sont fréquentes et peuvent se manifester à tous les âges. Très souvent superficielles, tantôt douloureuses, parfois invalidantes, les candidoses buccales peuvent également devenir profondes ou exacerber l’expression clinique des maladies parodontales.

Plusieurs formes cliniques de candidoses superficielles peuvent être différenciées :

- les formes aiguës, symptomatiques, blanches (efflorescences blanchâtres détachables) ou érythémateuses, diffuses ou localisées (fig. 9) ;

- les formes chroniques, peu ou non symptomatiques, blanches (hyperkératinisation) ou érythémateuses, diffuses ou en foyers (perlèches, glossite losangique médiane, ouranite palatine) (fig. 10).

Le diagnostic est essentiellement clinique même si certaines situations imposent un examen complémentaire (prélèvement et/ou biopsie).

Fig.10 : Glossite losangique médiane chez un patient fumeur.

Le traitement doit tenir de l’état immunitaire du patient, des médications qu’il prend et de l’espèce de Candida incriminé.

Ce traitement repose sur :

- l’élimination du facteur favorisant la transformation du candida commensal en parasite pathogène (si possible) ;

- la prescription d’un antifongique topique en première intention (amphotéricine B, nystatine).

La prescription d’un antifongique systémique est réservée aux situations d’immunodépression prononcée et de candidose majeure (fluconazole).

 

 


 

Légendes des photographies :

Fig.1 - Une ulcération correspond à une perte de substance profonde intéressant tout ou partie du chorion. Le fond de la lésion est en dessous des bords muqueux adjacents non atteints.

Fig2 - Une érosion correspond à une perte de substance superficielle, sans destruction du chorion sous-jacent. Le fond de la lésion est pratiquement au même niveau que les bords muqueux adjacents non atteints.

Fig.3 - Une perte de substance totale correspond à une destruction complète du tissu initialement atteint avec exposition du tissu sous-jacent (l’os dans le cas clinique présenté).

Fig.4 - Ulcération d’origine traumatique.

Fig.5 - Carcinome épidermoïde.

Fig.6 - Aphtose multiple.

Fig.7 - Ulcération d’origine médicamenteuse.

Fig.8 - Aphte géant.

Fig.9 - Candidose aiguë érythémateuse de la langue, apparue après une prescription d’une antibiothérapie à large spectre.

Fig.10 - Glossite losangique médiane chez un patient fumeur.