Hélène Fron Chabouis : le choix des matériaux

Hélène Fron Chabouis


Le choix des matériaux

par Hélène Fron Chabouis 

 

 

Quand Hélène Fron Chabouis monte à la tribune, un silence quasi religieux s’installe dans l’assemblée pour l’écouter présenter son étude comparative !

Elle commence par l’essor de la CFAO en prothèse dentaire aujourd’hui : plus de 50 % des prothésistes en France sont équipés, on peut donc faire de la CFAO sans le savoir !

Elle range ensuite les matériaux accessibles par CFAO par familles : les alliages, les céramiques, les composites, les hybrides, les matériaux permettant de réaliser des provisoires et des prothèses sur implants.

 1. De nombreux matériaux existent sous forme de blocs, permettant de réaliser des couronnes par usinage (méthodes de CFAO soustractives).

Les alliages accessibles sont les alliages à base cobalt-chrome et le titane ; les éléments peuvent être obtenus par technique additive ou soustractive. Les machines de synthèse par addition de matière sont coûteuses mais plus économes en matériau. Tous les autres matériaux présentés ici (sauf les résines) ne sont accessibles, pour le moment, que par des techniques soustractives – c’est-à-dire par usinage. L’avantage de l’usinage est que les blocs ou disques qui sont utilisés sont fabriqués industriellement et présentent donc de bonnes propriétés.

 

Les céramiques peuvent être classées selon un gradient croissant de leur résistance à la flexion qui va, pour les couronnes monolithiques, des céramiques feldspathiques (Mark II®) aux vitrocéramiques enrichies en silicate de lithium et zircone (Suprinity® et Celtra®) en passant par les vitrocéramiques renforcées à la leucite (Empress® CAD) et au disilicate de lithium (e.max® CAD). Pour les infrastructures de couronnes, de l’In-Ceram® Spinell à la zircone (Cercon®, Lava™, inCoris ZI®…) en passant par l’In-Ceram® Alumina, l’alumine (Procera® AllCeram ®…) et l’In-Ceram® Zirconia.

 

2. Une même couronne usinée dans l’un ou l’autre des différents matériaux aura des propriétés différentes, qu’il s’agisse de ses qualités optiques, mécaniques, dimensionnelles, adhésives, de surface, ou de sa biocompatibilité.

Les vitrocéramiques présentent l’avantage d’être mordançables, ce qui ajoute une composante mécanique à leur adhésion. La durée du mordançage varie de 60 secondes pour Mark II® et Empress® à 20 secondes pour e.max®. La silanisation qui suit constitue la composante chimique de l’adhésion aux vitrocéramiques.

Si l’on compare la résistance à la compression des couronnes monolithiques en vitrocéramique (e.max® CAD : 2 576 ± 206 N) et des couronnes stratifiées à infrastructure zircone (1 195 ± 221 N), on en déduit que les couronnes e.max® monolithiques sont a priori fiables pour le secteur postérieur.

 

La biocompatibilité, les propriétés mécaniques et la résistance au vieillissement des différents composites étant liées à leur taux de conversion (schématiquement, de 50 % à 60 % pour les composites en technique directe, de 70 % à 80 % pour les composites de laboratoire, plus de 95 % pour les composites usinés), ces propriétés sont améliorées pour les composites usinés (Lava™ Ultimate, 3M Espe).

Le gros avantage des composites par rapport aux céramiques, c’est leur usinabilité : ils peuvent être usinés rapidement et sous faible épaisseur. Toutefois, il est possible que leur résistance à l’usure soit un peu faible pour de grosses restaurations comme des couronnes et il n’est pas évident, au moins en technique directe, d’obtenir un excellent rendu esthétique, car il n’existe pas encore de blocs dégradés comme il en existe pour les vitrocéramiques. Le principal inconvénient de ces dernières est l’usure de l’antagoniste qu’elles peuvent causer.

 3. Les propriétés mécaniques dépendent en partie de la proportion de cristaux contenue dans le matériau (ici l’e.max® CAD, Ivoclar Vivadent, contient environ 70 % de cristaux en volume).

Avec l’Enamic®, une nouvelle famille de matériaux apparaît : les hybrides, qui sont composés d’une matrice céramique et d’un liant résineux (contrairement aux composites qui ont une matrice résineuse et un renfort : les charges, souvent minérales). Le principal avantage de ce matériau semble être son module élastique (c’est-à-dire sa rigidité), qui est intermédiaire entre celui de l’émail et celui de la dentine (alors que les céramiques ont plutôt un module supérieur ou égal à celui de l’émail et que les composites ont plutôt un module inférieur à celui de la dentine).

 

Enfin, les résines PMMA (Telio CAD®, Ivoclar…) et composites microchargés (CAD-Temp®, Vita) doivent être réservés à la réalisation de provisoires.

 

Au final, pour réaliser une couronne monobloc, le choix du matériau va dépendre de la situation clinique. Dans le secteur antérieur, on optera peut-être plutôt pour Mark II® ou Empress® CAD, car il existe des blocs dégradés qui faciliteront le rendu esthétique. Dans le secteur postérieur, l’e.max® CAD est la solution éprouvée ; les vitrocéramiques enrichies en silicate de lithium et zircone sont probablement une alternative, mais il existe encore très peu de recul sur ces nouveaux matériaux.

Quant aux composites et aux hybrides, ils seront réservés – pour l’instant – à la réalisation d’inlaysonlays et aux temporisations, car les études cliniques sont en cours.

 

4. Les matériaux ont une aptitude différente à l’usinage. Ici, on observe une arête proximale fine usinée en composite (Lava™ Ultimate, 3M Espe) à gauche et la même arrête usinée en céramique (Empress® CAD, Ivoclar Vivadent). La céramique étant fragile, les bords fins peuvent se fracturer. Mais elle présente des avantages en ce qui concerne d’autres propriétés (biocompatibilité…), et un compromis est donc nécessaire.

Hélène Fron Chabouis conclut en précisant que de nouveaux matériaux sont accessibles uniquement par CFAO (zircone, Lava Ultimate®, Enamic®…) et insiste sur leur biocompatibilité par rapport aux restaurations obtenues par des méthodes traditionnelles, en particulier en ce qui concerne les composites.

« Mais, précise-telle, n’oubliez pas qu’il n’y a pas de matériau idéal et qu’on doit souvent faire des compromis en fonction de la situation clinique. Et pour bien choisir et pouvoir communiquer avec son prothésiste, il faut bien connaître les propriétés des matériaux ! »

Alors que la salle applaudit la prestation de la jeune conférencière, des images en direct de la salle d’intervention nous montrent les pièces prothétiques en cours de refroidissement à l’intérieur du four.

 

 


Légendes des illustrations :

1. De nombreux matériaux existent sous forme de blocs, permettant de réaliser des couronnes par usinage (méthodes de CFAO soustractives). 

2. Une même couronne usinée dans l’un ou l’autre des différents matériaux aura des propriétés différentes, qu’il s’agisse de ses qualités optiques, mécaniques, dimensionnelles, adhésives, de surface, ou de sa biocompatibilité.

3. Les propriétés mécaniques dépendent en partie de la proportion de cristaux contenue dans le matériau (ici l’e.max® CAD, Ivoclar Vivadent, contient environ 70 % de cristaux en volume).

4. Les matériaux ont une aptitude différente à l’usinage. Ici, on observe une arête proximale fine usinée en composite (Lava™ Ultimate, 3M Espe) à gauche et la même arrête usinée en céramique (Empress® CAD, Ivoclar Vivadent). La céramique étant fragile, les bords fins peuvent se fracturer. Mais elle présente des avantages en ce qui concerne d’autres propriétés (biocompatibilité…), et un compromis est donc nécessaire.