Les risques en prothèse adjointe totale

Les risques en prothèse adjointe totale

 

par Joël Dubreuil

  

En théorie, il n’y a aucun risque puisqu’il s’agit d’une prothèse que l’on peut faire évoluer de la réfection de base à la pose d’implants. L’attente des patients varie selon les individus : pour certains, la facilité de nettoyage peut être un critère plus important que la mastication. Il faut donc se garder de prendre la décision thérapeutique à la place du patient quand le choix doit porter sur le type de prothèse (fixe sur implant, amovible stabilisée par implants, dite « PASI », amovible totale ou « PAT »). Face à l’instabilité prothétique – une doléance fréquente –, la solution implantaire a ses limites (financières, anatomiques, médicales, psychologiques…), ce qui laisse encore une grande place à la PAT. La PASI reste une prothèse conventionnelle. Ainsi, les implants ne sont qu’un complément de rétention.

 

Déceler les risques lors de la première consultation

 

Pour bien identifier les risques, il y a quatre étapes à respecter :

• écouter les attentes et les doléances du patient ;

• assurer l’observation clinique qui se concentrera sur l’analyse critique des anciennes prothèses ;

• présenter au patient les diverses possibilités thérapeutiques, leurs avantages et leurs inconvénients ;

• déterminer le plan de traitement après que le patient aura choisi.

Il existe trois motifs différents de première consultation : faire une première prothèse, refaire une prothèse qui a donné satisfaction ou une prothèse qui ne donne pas satisfaction.

Dans le premier cas, la phrase de John Sharry résume la problématique dans toutes ses dimensions : « La prothèse adjointe totale est comme une jambe de bois ; on apprend à vivre avec, jamais à l’aimer. » La prothèse doit être stable et équilibrée pour que le patient puisse s’adapter. Il faut entendre aussi les non-dits des attentes du patient et soigner l’esthétique.  Depuis le consensus de McGill, nous avons une obligation légale de présenter la solution d’un traitement avec deux implants symphysaires.

 

Quand une prothèse donne satisfaction, il ne faut rien changer en termes d’esthétique, d’occlusion et de morphologie. Si les dents ne sont pas usées et la DVO correcte, voire un peu sous-évaluée, une simple réfection de base peut suffire. Autrement, le même type de dents peut être utilisé. Lorsque les patients ne sont pas satisfaits de leurs prothèses, et après avoir écouté leurs doléances, il convient d’analyser les prothèses à la main et en bouche et savoir récuser un patient porteur de prothèses quand on ne constate pas de défauts. Pour l’analyse, il faut trouver, prothèses en main, une position stable en OIM, puis contrôler l’étendue des surfaces d’appui, l’épaisseur des bords et l’absence de surplomb lingual des cuspides linguales. En bouche, il s’agira de vérifier la stabilité au maxillaire et à la mandibule, puis d’effectuer le test de rétention au niveau des joints palatins, rétrotubérositaires ou sublinguaux. Enfin, il convient de contrôler l’OIM, le niveau du plan d’occlusion et la place laissée à la langue.

 

Le cas des prothèses instables

  

La solution de l’ajout de deux implants symphysaires devrait être présentée d’emblée. Le montage de dents en résine dans les secteurs concernés permet le positionnement des attachements. Le devis devra inclure la réfection de base. La réfection de base permet de résoudre les problèmes liés à la base, mais nullement à l’occlusion. Il est indispensable d’identifier les zones de défaillance. L’empreinte ambulatoire, obtenue avec des résines à prise retardée, doit être validée avec le patient quand il se sent bien avec ses prothèses. La réfection de base nécessite de préparer les appareils en libérant les insertions musculaires, en déchargeant les zones incompressibles (ligne oblique interne, crêtes en lame de couteau). C’est la résine à prise retardée qui prend l’empreinte. Quand la résine de la base transparaît, il faut donc décharger ces zones, rajouter de la résine à prise retardée et laisser porter la prothèse durant encore 48 heures environ. Cette empreinte ambulatoire permet d’obtenir une stabilisation de la prothèse par les organes périphériques : langue qui a la place de s’étaler, orbiculaire des lèvres qui plaque la base sur la surface d’appui lors de l’ouverture buccale, ainsi que le buccinateur au niveau des fosses rétromolaires.

 


 

Repères juridiques, par David Jacotot

 

Il faut évoquer les soins les plus appropriés.

La décision appartient, nous dit la loi, au patient, ce qui suppose une information et un consentement. Ainsi, il faut savoir quels sont les résultats possibles afin d’éviter le résultat qui ne serait pas voulu, quelque part entre « le possible » et « le souhaité mais impossible ». Informer est un acte lié au consentement, et l’information doit être multiple et suivie. Il faut bien informer sur le résultat effectivement susceptible d’être atteint par le travail du praticien par rapport aux traitements proposés, non seulement sur le plan fonctionnel, mais aussi esthétique. Toutes les précautions oratoires doivent pouvoir être prouvées, donc écrites, car c’est au praticien d’apporter la preuve qu’il a bien donné l’information. Par exemple, il faut informer le patient de la possibilité de deux implants pour la tenue de la prothèse et donc pouvoir prouver avoir délivré cette information. Pour conclure, le droit français promeut en quelque sorte une socialisation de la responsabilité, en ce sens que l’indemnisation des patients victimes est facilitée. Dans le prolongement, le droit de la santé consacre l’obligation de compétence du praticien et le droit du patient de recevoir le traitement le plus approprié ; mais le droit de la sécurité sociale, lui, ne poursuit pas une telle logique…


Légende des photographies :

photo.1 - Deux attachements Locator® de rétention et de stabilisation supra-implantaires.

photo.2 - Intrados de la prothèse mandibulaire correspondante.

photo.3 - Intrados de prothèse complète maxillaire avant réfection de base.

photo.4 - Intrados de prothèse complète maxillaire après réfection de base.

photo.5 - Extrados de prothèse complète mandibulaire avant réfection de base.

photo.6 - Extrados de prothèse complète mandibulaire après réfection de base.