Les règles, les risques et les complications en implantologie

Les règles, les risques et les complications en implantologie

 

par Franck Renouard

 

L’implantologie fait partie de l’arsenal thérapeutique du chirurgien-dentiste. Cependant, tous les praticiens sont confrontés aux complications. Pendant 30 années, tout le monde s’est concentré sur l’aspect technique des échecs, sans jamais s’interroger sur la place de l’humain dans la survenue des complications. En se basant sur les connaissances dérivées de l’aviation, on peut estimer que 80 % des complications ont pour origine l’erreur humaine. Il faut admettre que l’erreur fait partie de la pratique. Elle est incontournable dans la mesure où l’humain est faillible. C’est pourquoi des protocoles de protection doivent être mis en place. Reconnaître ses erreurs et les partager avec les autres est indispensable dans le processus de sécurisation des pratiques médicales et donc dentaires. La culture qui consiste à blâmer celui qui a fait une erreur devrait être bannie. La compréhension du pourquoi des erreurs permet d’améliorer de façon significative sa pratique au quotidien.

 

Tenir un dossier médical complet

 

Une des solutions pour diminuer les sources d’erreur est de tenir un dossier médical complet qui permette au final de proposer au patient un consentement éclairé. Il doit contenir des devis parfaitement compréhensibles et signés, une fiche clinique bien remplie (sur laquelle figurent également des notes prises lors de l’examen clinique), les témoins de traçabilité du matériel, les examens radiologiques appropriés ainsi que les correspondances avec les confrères. Il faut également respecter les délais entre la consultation et la chirurgie.

Comment réduire le nombre d’erreurs et surtout minimiser leurs conséquences ? On peut utiliser des check-lists comme en aviation car, même après des années d’expérience, mieux vaut ne pas trop se fier à son cerveau. C’est là une manière d’éviter que notre état cognitif du moment (que l’on soit stressé ou bien en forme) n’influe sur notre pratique. Notre tendance à utiliser davantage le cerveau émotionnel que rationnel doit être assumée. Ainsi, au moment de l’accueil des patients, il faut vérifier que les documents se trouvent dans le dossier (identité du patient, consentement, devis signé, information sur le matériau de comblement). La nature et le site de l’intervention doivent être clairement mentionnés pour que toute l’équipe comprenne la nature de l’intervention, et les radios contrôlées et installées. Il faut aussi que le guide chirurgical soit sorti, et que le matériel spécial (piézo, vis d’ostéosynthèse…) soit contrôlé et installé. Ne pas oublier, d’autre part, de vérifier que la prémédication a bien été prise dans les temps.

Enfin, il convient de veiller à ce que la prothèse adjointe a bien été retirée, puis placée dans la chlorhexidine. Le praticien doit être prévenu de la présence de la PAP. Après l’intervention, il faut vérifier que le patient ne saigne pas, que les compresses sont stables en bouche et que des antalgiques ont été, si nécessaire, administrés. La prothèse doit être restituée et le compte rendu opératoire clairement rédigé. Les aiguilles et lames doivent être séparées et comptées. Dans son livre, le Dr Renouard décrit la « checklist FH » (facteur humain) qui sert à remettre l’individu au centre de la prise de décision.

 

Gérer ses propres complications

 

En cas de saignement lors du forage, souvent dû à une lésion d’une artériole, le placement de l’implant doit arrêter le saignement. Si l’implant est instable après sa mise en place (os de faible intensité ou préparation osseuse imprécise), il convient de déposer l’implant et de le remplacer par un autre plus large (si la mobilité est très faible, le temps de cicatrisation sera augmenté). Si les filets de l’implant sont exposés (crête trop fine), il faut les couvrir avec du coagulum ou placer une membrane. S’il y a gonflement en lingual après mise en place au niveau de la symphyse mentonnière (lésion d’une artère sublinguale), il s’agit d’une situation d’urgence qui nécessite une intervention sous anesthésie générale. Si le patient ressent des douleurs postopératoires importantes quelques jours après la pose (ostéite due à une préparation osseuse trop agressive ou à une contamination bactérienne), il faut déposer l’implant. En cas d’insensibilité labiomentonnière (lésion ou compression du nerf alvéolaire inférieur), et si les signes persistent après une semaine, un scanner permettra d’en déterminer l’origine.

 

En conclusion,

il convient de faire des incisions franches et des décollements sous-périostés en restant constamment au contact osseux. Il faut éviter de traverser les corticales (en utilisant des implants courts) et réaliser des sutures hermétiques. Il est aussi important de choisir le traitement le plus simple et efficace car la complexité augmente le risque d’erreurs. Parfois, il faut savoir refuser d’opérer en n’oubliant pas qu’un patient à risque est finalement un patient traité par un praticien trop optimiste. Pour en revenir à l’analogie avec l’aviation, on peut comparer le dentiste à un pilote : un bon pilote est un pilote qui compte autant d’atterrissages que de décollages. Le chirurgien connaît ses potentialités et ses limites. Il est capable de raisonner par rapport à ce qu’il sait, mais il prend en compte ses méconnaissances.

  


 

Repères juridiques, par David Jacotot

 

Le pénal punit, le civil répare.

L’aléa, en bref, c’est quand on connaît un risque, mais qu’il était impossible de l’éviter. C’est aussi un incident qui résulte de l’état du patient lui-même (et non de l’acte médical), de sa pathologie ou d’une réaction imprévisible de son organisme.

Si on sectionne quelque chose, c’est une maladresse fautive, mais si on peut démontrer que l’anatomie est inhabituelle, ce n’est pas fautif.

S’agissant du devoir d’information, le praticien doit apporter toutes les preuves possibles (y compris des comptes rendus et des rédactions que l’on a faits soi-même). Le magistrat cherche à savoir s’il y a bien eu un échange avec le patient et que, selon toute vraisemblance, il y a eu information.

Deux idées sont contenues dans le seul article L. 1110 du Code de la santé publique : « L e patient a le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. » Il ne faut donc proposer l’implantologie que si c’est la solution la plus appropriée et non pour faire plaisir. Les actes ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté.

Implantologie oui, mais quand ?

La technique de mise en charge immédiate est-elle la moins risquée tout en étant efficace ? C’est ce qu’il convient d’évaluer. Lorsque deux praticiens interviennent (exemple d’un second praticien qui doit récupérer l’implant perdu au-delà de la corticale), c’est le praticien auteur du dommage qui est responsable. Si les deux praticiens ont chacun commis une faute, alors ils peuvent être déclarés tous deux responsables. L’acte médical n’est pas, en réalité, un contrat. Mais si le patient qui doit revenir ne revient pas, il faut le rappeler afin de réaliser le suivi thérapeutique. On peut porter ce courrier au dossier afin de prouver que l’on a bien été soucieux de ce suivi.

 

 


Légende des illustrations : 

illust.1 - Schéma de l’évaluation du risque destiné à permettre au pilote de choisir entre ses intentions et ses capacités.

illust.2 - Schéma de Reason montrant les différents niveaux de contrôle permettant de bloquer les erreurs en cours d’intervention.