Risques et traitements restaurateurs

Risques et traitements restaurateurs

 

par Franck Decup

 

 

Au cabinet dentaire, l’odontologie conservatrice constitue une activité fréquente. Les risques liés à cette pratique sont donc accrus. Ils peuvent être rencontrés lors de la prise en charge du patient et en cas de traitement de la dent pulpée ou dépulpée. Il faut savoir identifier et comprendre les points faibles afin de pouvoir mettre en place des pare-feu pour diminuer leur fréquence. Le risque se situe d’abord au niveau du patient lui-même : il faut savoir qui l’on soigne, ce que l’on soigne et comment on soigne.

 

Le traitement de la dent pulpée

 

Lorsque l’on décide d’intervenir sur une dent pulpée, les risques encourus sont de trois ordres.

• Biologique : on travaille sur dent vitale ;

• Mécanique : on travaille sur une dent plus ou moins atteinte dans sa structure ;

• Iatrogène : notre acte est chirurgical, et les instruments vont parfois au-delà de nos espérances. Afin d’assurer la préservation de la vitalité pulpaire, il y a plusieurs règles à respecter. Dans le cas d’une carie profonde, le principe est d’abord d’assurer l’étanchéité périphérique. Celle-ci requiert un curetage parfaitement contrôlé ainsi qu’une préparation avec des bords nets. Au niveau de la paroi pulpaire, la conservation de la dentine affectée constitue une sécurité qui permet de prévenir les complications pulpaires. On peut, à cet effet, avoir recours aux colorants dentinaires, mais surtout aux aides optiques. Toutefois, malgré toutes ces précautions, lorsque l’atteinte est trop importante, on peut se retrouver en situation d’échec. Dans ce cas, on va pouvoir réaliser un coiffage pulpaire direct ou indirect qui permet la création d’une néobarrière calcique. Pour cela, un certain nombre de règles doivent être respectées : le patient doit être jeune (moins de 35 ans), la dentine saine et la temporisation possible. Si elles ne peuvent être observées, on prendra l’option de la pulpectomie.

 

En ce qui concerne la sensibilité dentinaire, c’est un problème souvent rencontré en odontologie conservatrice dès lors qu’on utilise les produits adhésifs. Pour l’éviter, il faut avant tout considérer la nature de la dentine, notamment sa perméabilité. Sur une dentine très réactionnelle, un acide fort est nécessaire pour avoir une bonne couche hybride, et les adhésifs de type M&R seront donc préférés. Sur une dentine perméable, les adhésifs automordançants constituent une bonne sécurité car ils vont infiltrer Journée du 7 juin 2012 – Risques, règles et complications la boue dentinaire qui participe à l’obturation des canalicules. Quand la perte de substance est importante, on peut réaliser une barrière physique épaisse avec des matériaux comme les CVIMAR. Ici, c’est la procédure de mise en place du matériau qui aura une grande influence sur la sensibilité dentinaire. Respecter scrupuleusement le temps par temps s’avère donc indispensable. En cas d’échec, il faudra rassurer le patient car la sensibilité peut parfois être passagère. On peut parfaire la polymérisation et/ou réétanchéifier le joint périphérique si ce dernier est défectueux. Ensuite, il faut attendre deux semaines pour voir l’évolution. Si, malgré tout, la sensibilité persiste au-delà de trois semaines à un mois, il faut savoir réintervenir afin de déposer du composite, temporiser (CVI ou Biodentine®), puis réaliser la réfection du composite. En cas d’échec à nouveau, on s’orientera vers la pulpectomie. Pour éviter les risques iatrogènes, on utilisera des aides optiques, un champ opératoire pour protéger les tissus environnants et des outils adaptés à la préservation tissulaire : microfraises, ultrasons et aéro-abrasion.

 

Pour parer aux risques biomécaniques, la sécurité en termes de résistance sera recherchée. Ainsi, le praticien doit travailler a minima et utiliser la restauration adhésive, contrôler l’occlusion (limites hors impact d’occlusion), analyser l’épaisseur des parois résiduelles (si elle est inférieure à 2 mm, il faut recouvrir), rechercher les fêlures coronaires afin de les conserver, les infiltrer ou les recouvrir. En quelques mots : sur une dent pulpée, la préparation se fera a minima et la restauration adhésive sera utilisée en respectant les protocoles. Les échecs sont faciles à gérer car cette technique permet la réintervention partielle.

Le traitement de la dent dépulpée

 

Avec la dent dépulpée, le risque est essentiellement d’ordre mécanique : la dent ou la restauration peut se fracturer. Il faut donc s’orienter vers une restauration adhésive partielle plutôt que périphérique. Mais l’élément le plus important pour la pérennité d’une restauration périphérique est la présence d’un sertissage cervical. Pour le tenon, une longueur adaptée sera nécessaire de même qu’une bonne répartition des contraintes à l’intérieur de la dent. En cas d’échec avec fracture de la restauration, il faudra la refaire.

 

 


 

Repères juridiques, par David Jacotot

Il y a trois éléments à prendre en compte.

• Le référentiel : ce sont les connaissances médicales avérées, c’est-à-dire ce qu’il faut faire et ne pas faire. Le référentiel se trouve dans la littérature scientifique nationale ou internationale ; mais, à l’évidence, tout n’est pas écrit dans la mesure où ce qu’il faut faire ou non relève parfois du « bon sens ». En cas de contentieux, il appartient à l’expert judiciaire d’éclairer le juge sur les connaissances médicales avérées.

• Le patient : il faut relever l’importance du dossier médical, qui permet d’évaluer l’état antérieur et d’établir le respect de l’information du patient. Il servira à justifier l’acte en cas de problème ;

• Le diagnostic : l’erreur de diagnostic n’est pas une faute sauf si toutes les précautions n’ont pas été prises. Le droit évolue vers un binôme « sécurité-qualité ». Lorsque le législateur considère que le patient est le décideur, on est en présence d’une fiction, puisque dans les faits le patient ne peut pas être un décideur.

 

 


 

Légendes des photographies : 

photo.1 - Préparation de 16.

photo.2 - Début de préparation de 14.

photo.3 - Élongation coronaire.

photo.4 - Mise en place du pansement parodontal.

photo.5 - Mise en place du fil rétracteur après cicatrisation.

photo.6 - Couronnes céramiques posées.