Les risques, je les prends... en chirurgie buccale

Les risques, je les prends… en chirurgie buccale

 

par Daniel Perrin

 

Le thème proposé des risques en chirurgie orale sera vu à travers trois situations :

• l’avulsion d’une molaire maxillaire avec risque de communication buccosinusienne (CBS) ;

• les avulsions multiples chez les patients sous antivitamines K (AVK) ;

• l’avulsion d’une dent de sagesse mandibulaire (DSM).

Dans tous les cas, les règles communes à respecter en préopératoire sont : l’anamnèse du patient (état général, pathologies associées, traitements en cours), poser l’indication du geste à réaliser, évaluer le rapport bénéfice escompté/risque encouru, planifier le traitement, demander d’éventuels examens complémentaires, entrer en relation avec le médecin traitant (généraliste, cardiologue), expliquer et informer clairement le patient de façon à obtenir son consentement éclairé. Il faut évaluer l’état moral et mental du patient, puis le consigner dans le dossier (angoissé, décontracté, confiant, autonome). Enfin, il est nécessaire d’accompagner systématiquement la prescription préopératoire des explications et des conseils nécessaires sur le suivi postopératoire assurant la continuité des soins. En peropératoire, il est préférable de programmer le geste avant 18 heures en évitant le vendredi soir. Dans un certain nombre de cas, la faute est d’origine humaine. Il est donc nécessaire de respecter une check-list qui permette un contrôle pas à pas du déroulé de l’intervention, tel que programmé, en respectant la durée et le protocole. Cette liste doit aussi comporter les informations sur l’asepsie, l’antisepsie et le plateau technique, sachant que, parfois, les complications sont inévitables et qu’il vaut mieux les évoquer dès la première consultation.

 

La CBS

 

Elle se diagnostique sur un reflux de bulles d’air, un dépôt de buée sur le miroir ou la manoeuvre de Vasalva. La gestion de cette complication sur sinus sain dépend de la taille de la CBS et relève du chirurgien-dentiste. Face à une CBS plus haute que large, on obtient une fermeture spontanée après la pose d’un pansement hémostatique et de points de suture. Lorsqu’elle est plus large que haute et mesure moins de 1 cm de diamètre, on ferme par un lambeau vestibulojugal trapézoïdal. Au-delà de 1 cm centimètre de diamètre, on utilise un lambeau palatin.

 

En l’absence de traitement de ces CBS, le risque d’infection des sinus maxillaires est évident. Avant de réaliser le geste, si les examens cliniques et radiologiques révèlent la présence d’une sinusite, il y a lieu d’adresser le patient vers un ORL dans la mesure où on ne peut fermer une CBS sur un sinus infecté.

  

Les extractions sous AVK

En préopératoire, il faut vérifier l’INR. Lorsqu’il est inférieur à 3, on peut réaliser l’intervention en cabinet dentaire (recommandation SFCO). Il faut se méfier des thérapeutiques potentialisant l’effet anticoagulant des AVK comme la Butazolidine®, la Fungizone®, la Spiramycine Métronidazole®, les AINS… En peropératoire, il est nécessaire de disposer d’hémostatiques locaux de type Surgicel®, ainsi que d’antifibrinolytiques Exacyl®. On aura prescrit, en préopératoire, six boîtes d’Exacyl® solution buvable 1 g/10 ml. Une partie nous servira pour l’hémostase locale lors du geste, l’autre partie sera utilisée par le patient en bain de bouche passif (1 min.), quatre fois par jour durant sept jours.

 

En postopératoire, des antibiotiques seront prescrits, si nécessaire des antalgiques de classe I ou II et des antiseptiques en gel. En cas d’hémorragie postopératoire, toujours possible malgré le respect du protocole, il faut revoir le patient, le rassurer en dédramatisant et, bien souvent, cureter à nouveau l’alvéole, remettre un pansement hémostatique et refaire des sutures.

 

L’extraction d’une DSM incluse ou enclavée

 

Les précautions préopératoires sont les mêmes de façon que l’examen clinique soit complet, le diagnostic fiable et, en particulier, le risque bien évalué. En peropératoire, il est nécessaire de respecter les règles d’hygiène, de mettre un champ opératoire, d’utiliser un moteur chirurgical avec du sérum physiologique et de respecter les incisions décrites. En fonction du cas clinique, il ne faudra pas hésiter à sectionner la couronne et éventuellement les racines pour un geste plus aisé et moins traumatique. Ensuite, on effectuera une toilette soigneuse de l’alvéole à la Bétadine® ou à la chlorhexidine pour le débarrasser de tous les débris osseux et du sac péricoronaire. Enfin, il faut suturer les bords muqueux.

En postopératoire, il convient de ne pas hésiter à donner une prescription adaptée pouvant inclure des corticoïdes (1 mg/kg le matin pendant cinq jours, au maximum). Il faut aussi veiller à assurer la continuité des soins pour gérer les complications infectieuses ou neurologiques (lésion du V3). Ainsi, prendre en charge les risques sous-entend de les prévenir, les diagnostiquer, les reconnaître, les annoncer, les expliquer, les accepter et les faire accepter, puis les traiter. Enfin, il est important de réaliser une autoévaluation.

La faute médicale survient si l’on n’a pas pris la mesure du rapport bénéfice-risque, s’il y a eu erreur de diagnostic et/ou en l’absence de suivi des soins. L’aléa survient seulement quand toutes les précautions pour éviter la faute ont été prises.

 

 


 

Repères juridiques, par David Jacotot

 

Pour la notion de continuité des soins,

il faut se référer à un arrêt de la Cour de cassation qui a mis en évidence la « faute de surveillance ». La logique juridique est ainsi d’interpréter les textes en fonction de la finalité (binôme sécurité-qualité).

À noter que le droit de la sécurité sociale est aux antipodes du droit de la santé et de la réalité clinique. Le droit de recevoir les soins les plus appropriés (règle posée dans le Code de la santé publique) ne coïncide pas toujours avec l’acte pris en charge par l’assurance maladie ; ce qu’impose le premier est rendu difficile ou impossible à cause du Code de la sécurité sociale. Pour en revenir à la faute, c’est notamment de ne pas évaluer le risque.

Le suivi des soins doit être pris en charge, et ce de plus en plus. Dès lors que le risque est connu et évalué, on n’est pas dans la faute mais dans l’aléa.

 

 


Légende des photographies :

photo.1 - Extractions multiples sur patient sous AVK : Incisions.

photo.2 - Mobilisation-avulsion.

photo.3 - Curetage.

photo.4 - Injection d’Exacyl® dans les alvéoles.

photo.5 - Gaze hémostatique résorbable insérée dans les alvéoles.

photo.6 - Sutures.