Tout-adhésif : entre promesses et déceptions
Le « tout-adhésif » recelait des promesses.
Certaines ont été tenues comme :
• la conservation tissulaire ;
• l’esthétique liée à la qualité mimétique des composites ;
• le renforcement mécanique ;
• l’extension de l’utilisation des composites au secteur postérieur ainsi qu’au collage de tenons et de couronnes.
Mais cette technique révèle également son lot de déceptions. Citons :
• le vieillissement différent selon les patients et selon le niveau des praticiens ;
• les sensibilités postopératoires ;
• l’apparition éventuelle de nécroses pulpaires sans rapport avec un problème de biocompatibilité des composites mais avec un défaut ou une perte d’étanchéité, laquelle constitue la cause de la pénétration bactérienne ;
• des fractures.
Faire le tri dans l’avalanche de matériaux proposés
On a assisté à une multiplication des matériaux avec beaucoup de promesses d’amélioration, mais le gros progrès réside dans le développement de solutions aux procédures simplifié
es. Reste à faire le tri dans l’avalanche de propositions de l’industrie dentaire…
Quoi qu’il en soit et qu’il s’agisse de restaurations antérieures ou postérieures, sur dent vitale ou non, d’assemblage de tenon ou de couronne, la base est constituée de résine diméthacrylate, laquelle souffre d’une importante contraction linéaire lors de la polymérisation. Il faudra contrôler les effets secondaires de cette contraction de prise.
Les sept règles à respecter
Un certain nombre de règles doivent être respectées dans la mise en œuvre de ces matériaux. Les voici.
1. La mise en place d’un champ opératoire. Dans certains cas, il est difficile de poser la digue, même si l’on place un cordonnet, des ligatures, etc. Il peut rester un problème d’herméticité.
L’idée est alors d’améliorer la situation avant de poser la digue en utilisant des matrices sectionnelles afin de rehausser la marge en supragingival avec un collage de composite. Dans
un second temps, on place la digue pour préparer un onlay composite (voir Photo 1) .
2. Une forme cavitaire adaptée aux spécificités du matériau. On élimine les anciennes obturations, les tissus cariés, on réévalue les marges d’émail et ce qui reste de tissus coronaires pour décider du mode de restauration. On tiendra compte du facteur C (Feiltzer et al. 1987), qui détermine la contraction du composite, en transformant la forme cavitaire et en adaptant la technique de polymérisation.
3. Un adhésif bien choisi. Il existe beaucoup d’idées fausses dans ce domaine comme, par exemple, de considérer que le total etching, suivi de rinçage, favorise une meilleure adhésion par la création de tags dans la dentine, ou de considérer que les systèmes simplifiés font uniquement gagner du temps. En fait, pour l’émail, il n’existe rien de plus efficace que l’attaque à l’acide orthophosphorique (H3PO4), suivie par la mise en place d’un bonding. Cette procédure donne, de façon indiscutable, une adhésion forte et durable.
En revanche, deux stratégies sont possibles pour l’adhésion à la dentine. La première est le total etch qui supprime les boues dentinaires, mais avec une action inconstante, très variable selon les dents et qui impose ensuite de remplir à nouveau les tubuli et de modifier le substrat avec un primer, qui est une résine hydrophile, avant de placer la résine hydrophobe qu’est l’adhésif. Il s’agit d’une technique compliquée.
L’autre solution, qui a notre préférence, consiste à conserver la couche hybride afin d’éviter le défaut de saturation de la dentine. Dans ce cas, le primer pénètre bien : c’est la force des systèmes dits « self etching ». Notons surtout que la couche hybride se dégrade d’autant plus avec le temps que la pénétration du primer aura été incomplète. C’est l’adhésion à l’émail qui protège la restauration de sa dégradation.
4. Le collage sous digue, une fois terminée la préparation cavitaire d’un onlay composite. La dentine est propre. Elle n’est pas contaminée. Le contrôle de l’hybridation est bon et l’on scelle la dentine avec, par exemple, un composite flow. Cela facilite la temporisation.
5. Des empreintes sectorielles en mordu pour plus d’efficacité.
6. Un onlay provisoire rapidement réalisé en plaçant des coins de bois dans les embrasures et en tassant grossièrement du Fermit® ou du Clip® dans la cavité (voir Photo 2).
7. L’assemblage de la pièce prothétique. Cette étape exige un sablage préalable de la préparation de façon à réactiver le substrat ainsi qu’un conditionnement de l’émail à l’acide. Quant à la silanisation de l’intrados de la pièce, elle n’est pas indispensable. On recommandera de ne pas utiliser un composite de scellement, mais un composite d’obturation fluidifié sur une source chauffante : le Tetric® transparent.
Ce qu'il faut retenir :
• Le collage permet des stratégies alternatives pour la restauration des dents non vitales.
• La relocalisation des marges sous-gingivales facilite la mise en place de la digue.
• Mordancer l’émail à l’acide orthophosphorique et procéder à l’automordançage de la dentine.
• Pour les restaurations indirectes, coller avant l’empreinte.
• Assembler les inlays avec un composite photo transparent.
Vos questions, les réponses de Serge Bouillaguet :
Peut-on sceller avec un composite flow ?
Avec les inlays en or, on dispose d’une grande précision d’adaptation pour obtenir de la friction. Avec les inlays en composite, l’adaptation s’avère moins précise. De la même façon, pour utiliser un composite fluide, il faut être sûr d’avoir une excellente adaptation de la pièce, sinon on risque d’avoir des bulles dans l’épaisseur du joint collé. Le composite plus épais permet de combler les espaces.