Endodontie : prévenir la fracture d'instruments

Endodontie :  prévenir la fracture d’instruments

 

 

En endodontie, le rêve est d’obtenir la guérison. Mais ce qui peut être considéré comme un traitement facile peut parfois tourner au cauchemar. Lorsque l’on fracture un instrument, on se réveille avec la réalité de l’accident le plus frustrant et le plus déstabilisant qu’il soit. Cet accident semble être devenu plus fréquent avec l’avènement des instruments en alliage nickel-titane (NiTi) rotatifs.


 

 

 

 

Comment éviter l’accident ?

 

Pour éviter la fracture d’un instrument, il faut veiller à redresser les courbures coronaires et assurer la perméabilité apicale. La moitié des instruments se fracturent dans les canaux des molaires mandibulaires car l’angle d’accès aux orifices canalaires mésiaux est souvent oblique de distal en mésial.

La cavité d’accès donne une vue directe sur les orifices canalaires, mais les premiers instruments placés dans le canal ont leur manche projeté en direction distale. Il faut donc supprimer un triangle de dentine (voir Radio 1plus coronaire qui gène la progression de l’instrument dans l’axe du canal (voir Photo 2). On obtient le contrôle du bon redressement de l’instrument quand on peut caler le stop en caoutchouc sur la cuspide de même nom que le canal traité (cuspide mésio-vestibulaire pour le canal mésio-vestibulaire, par exemple), (voir Photo 3). Cette relocalisation ne peut se faire qu’avec deux types d’instrument : les forets de Gates 1 à 4 ou le SX ProTaper®. On relocalise l’entrée canalaire aux dépens de la paroi de sécurité, celle opposée à la courbure.

 

 

Obtenir la perméabilité canalaire s’impose d’autant plus avec les instruments NiTi rotatifs que leur pointe est inactive et ne sert qu’au seul guidage de l’instrument. Il faut donc que la lumière canalaire accepte la pointe de l’instrument, ce qui impose de négocier préalablement le canal avec des instruments manuels (limes K 10, 15, 20). Il ne faut pas aller au-delà de la longueur atteinte par une lime K 20 avec les premiers instruments NiTi rotatifs introduits dans le canal. Aucun instrument ne doit être forcé dans le canal. Selon Buchanan, il y a situation de danger dès lors qu’une lime 15 non précourbée se bloque dans le canal.

 


Quelles sont les conséquences de la fracture ?

Selon la littérature, lorsqu’il n’y a pas d’infection ou de lésion préalable à la fracture, le pronostic concernant une dent présentant un instrument fracturé n’est pas changé de façon notable, à condition toutefois de travailler dans les conditions d’asepsie requises. Les cas de guérison avec des instruments fracturés au-delà de l’apex illustrent ce constat.

Cependant, plus le fragment sera long et cassé coronairement, plus il sera facile à retirer. En revanche, en cas d’échec au retrait, les chances de guérison se­ront diminuées. Et vice-versa. En effet, un petit fragment cassé apicalement n’empêchera pas la désinfection et la mise en forme de la majeure partie du canal. Quand on peut retirer l’instrument, il faut le faire, faute de quoi, il y aurait une perte de chance pour le patient et un suivi serait nécessaire.

 

 

Comment retirer le fragment ?

Pour retirer le fragment, il faut :

• améliorer l’accès coronaire à l’aide des forets de Gates 1 à 4 en prenant appui uniquement sur la paroi opposée à la courbe et en travaillant au retrait afin de parvenir au contact de l’instrument en ligne droite ;

• essayer de passer à côté de l’instrument, d’abord avec des limes fines (K 08, K 10) précourbées, puis avec la séquence d’instruments manuels.

L’élimination se fera soit avec le rinçage, soit en utilisant des limes ultrasonores spécifiques. Cette démarche, à la fois simple et la plus économe en tissus dentinaires, doit être systématiquement tentée, bien que moins efficace sur les NiTi.

En cas d’échec, il faudra avoir recours à la trousse de Masseran. Si elle est la plus connue, elle présente néanmoins l’inconvénient d’uncalibre de trépan et d’extracteurs excessif de 1,2 mm, ce qui correspond au Gates n° 5, uniquement utilisables sur des racines larges. Sur le même principe, mais avec des calibres plus fins et quelques améliorations (un pointeur et un trépan de 0,90 mm de diamètre), vient de paraître l’Endo Rescue® (Komet). Le trépan est actif dans le sens anti-horaire : il dévisse l’instrument dès lors qu’il est coincé sur son extrémité. Il peut être utilisé pour les petits fragments cassés dans le tiers moyen (voir Radios 4 et 5).

 

En dernier recours, il convient d’utiliser les ultrasons avec des instruments spécifiques fonctionnant à faible intensité. Le contrôle visuel s’impose, mais il ne peut être efficace que sous microscope opératoire. La technique est décrite par Ruddle : une marche est créée au contact de l’instrument à l’aide d’un Gates n° 3 sectionné au niveau de son plus grand diamètre.L’instrument va ensuite travailler aux dépens de la dentine et non au contact de l’instrument.

 

 

 

 

Ce qu'il faut retenir : 

Face à un instrument fracturé, il convient :


d’évaluer les facteurs de risque et ne pas tenter de tout retirer ;

• de n’extraire que les instruments les plus dangereux pour le pronostic, ceux qui sont les plus coronaires et faciles à atteindre ;

• d’améliorer l’accès coronaire ;

• de tenter de passer à côté du fragment ;

• de ne pas utiliser d’inserts ultrasonores spécifiques sans microscope opératoire ;

• et surtout de savoir s’arrêter et d’éviter l’acharnement.



Vos questions, les réponses de Dominique Martin :


Les fractures avec les NiTi rotatifs sont-elles plus fréquentes ?

Une étude australienne, menée sur 13 ans à l’époque où les NiTi rotatifs sont arrivés dans les cabinets, a montré le taux élevé de fractures (3,3 %). Mais, selon moi, ces résultats sont à mettre en rapport avec le début de la courbe d’apprentissage  de la technique.


Alors, quel est le risque réel de fracture pour les NiTi ?

Si les principes de reconnaissance instrumentale sont respectés et que l’on relocalise les orifices canalaires, le risque est extrêmement faible.


Quel ciment de scellement endodontique utilisez-vous ?

Tout simplement le Pulp Canal Sealer® de chez Kerr, qui est un ciment à base d’eugénol.


Que vous apportent les limes K 08 C+ ?

Avec les limes de petit diamètre, nous avons besoin de plus de rigidité, et c’est ce que l’on obtient avec des limes de section carrée.


Comment retirer un thermocompacteur fracturé ?

Tous les instruments d’obturation disposent d’une spire inversée. Pour les retirer, il faut donc tourner dans le sens horaire. En fait, si l’on voit une lime H de fort diamètre, on peut soupçonner qu’il s’agit d’un thermocompacteur.

Mais on ne pourra en avoir la certitude que si on l’a fracturé soi-même.