Parafonctions et bruxismes

Parafonctions et bruxismes

 

par Jean-François Laluque

 

 

Selon le Collège national des enseignants en odontologie, le bruxisme est un comportement caractérisé par une activité motrice involontaire des muscles manducateurs, continu ou rythmique, avec des contacts occlusaux. Les lésions dentaires liées aux parafonctions concernent 8 % à 20 % de la population. La physiopathologie du bruxisme n’est pas encore totalement connue, mais l’on sait aujourd’hui que l’étiologie du bruxisme est centrale et non périphérique. Le facteur « stress » est un élément essentiel dans l’apparition de ces parafonctions. Il n’y a aucune étiologie dentaire connue, notamment liée à des interférences occlusales nocives, contrairement à ce que l’on a pu penser par le passé. Le chirurgien-dentiste ne peut donc apprécier que les seules conséquences de ces parafonctions. Le bruxisme peut être primaire ou secondaire. Il est dit primaire lorsque le phénomène n’est pas associé à une cause médicale. Les études dans le domaine se penchent actuellement sur les pathologies du sommeil et sur les troubles de certains neurotransmetteurs. On parle de bruxisme secondaire lorsqu’il est lié à certaines pathologies neurologiques, notamment la maladie de Parkinson, ou à la prise de certains médicaments (tels que les antidépresseurs), lesquels peuvent provoquer, entretenir ou aggraver le phénomène.

 

 

Deux types de bruxisme sont à distinguer :

 

• Le bruxisme du sommeil ou nocturne qui se manifeste par des grincements de dents ;

• Le bruxisme de l’éveil ou diurne, qui se manifeste par des serrements de dents. Cette seconde forme s’avère moins complexe à prendre en charge dans la mesure où il sera plus facile d’induire des modifications de comportement chez le patient.

 

Selon l’Académie américaine de médecine du sommeil,

le bruxisme du sommeil est une parafonction orale caractérisée par le grincement et le serrement des dents pendant le sommeil associée à des périodes excessives d’éveil. Des troubles généraux, en particulier des désordres liés à des perturbations du sommeil, accompagnent cette parafonction qui implique donc une prise en charge pluridisciplinaire. Le bruxisme du sommeil se manifeste durant certaines phases du sommeil, notamment durant la transition entre le sommeil profond et le sommeil préparadoxal. Durant cette période, on observe une succession de micro-éveils qui provoquent une activité rythmique des muscles manducateurs. Ces phases d’activité sont très brèves, mais elles se manifestent plusieurs fois par nuit. Huit à dix minutes de grincement en temps cumulé peuvent être observées par nuit de huit heures.


  

Diagnostic

 

Si la lecture des signes d’attrition pathologique est un élément déterminant dans l’établissement du diagnostic, elle ne s’avère cependant pas suffisante. La recherche d’un ensemble de signes cliniques caractéristiques du bruxisme est indispensable à l’élaboration du

diagnostic. On pourra observer une hypertrophie musculaire, des algies musculaires au réveil,  des fractures dentaires et/ou des restaurations, des fêlures dentaires ou encore des céphalées. L’établissement d’un historique médical et dentaire s’avère également indispensable afin d’objectiver les éléments cliniques observés. Cet historique permettra en outre de différencier les lésions dues à un bruxisme ancien d’un bruxisme actif.

 

 

Prise en charge

 

Deux orientations thérapeutiques principales peuvent être envisagées :

• Une prise en charge comportementale, qui peut impliquer une démarche pluridisciplinaire.

• Une prise en charge dentaire (restauration, gouttière occlusale).

La gouttière occlusale joue un rôle protecteur uniquement (dentaire, musculaire, articulaire) et ne traite en aucun cas le bruxisme. De préférence non indentée, elle doit recouvrir une arcade complète, indifféremment maxillaire ou mandibulaire. Elle sera réalisée au moyen d’une résine dure afin d’assurer des contacts occlusaux punctiformes, lesquels seront nécessairement simultanés sur toutes les dents antagonistes, tandis que la gouttière assurera une désocclusion postérieure en propulsion et en latéralité.


 

 

Réhabilitation prothétique

 

Comme précisé plus haut, la gouttière ne constitue en aucun cas un traitement du bruxisme et ne peut être réalisée qu’en cas de nécessité prothétique réelle. Malgré l’usure dentaire, la dimension verticale d’occlusion (DVO) n’est pas systématiquement diminuée. En effet, on observe une égression dentaire qui peut compenser la perte de substance. Si l’usure n’est pas plus rapide que l’égression, on pourra conserver la DVO présente. Dans le cas contraire, la DVO devra être augmentée, et imposera donc une réhabilitation prothétique globale.

 

 

  


 

Les points clefs

 

1. Le bruxisme est rencontré dans 8 % à 20 % de la population. Si sa physiopathologie est incertaine, l’origine centrale du bruxisme fait aujourd’hui consensus de même que la minoration des facteurs périphériques, telle l’occlusion.

 

2. Il faut différencier le bruxisme de l’éveil (serrements en général) du bruxisme du sommeil (grincements fréquents).

 

3. Le bruxisme fait partie des troubles du sommeil et peut être relié à des maladies neurologiques ou à des prises de médicaments. Une anamnèse complète est indispensable pour en appréhender les manifestations.

 

4. La prise en charge des bruxismes sera toujours la moins invasive possible : conseils comportementaux, explications, protection des structures dentaires par gouttière. Les restaurations prothétiques ne sont envisagées que devant une demande esthétique ou fonctionnelle du patient avec son adhésion au « traitement »… et à son pronostic.

 

5. Les réhabilitations prothétiques sur dents ou sur implants chez les bruxomanes, sujets à risque, suivent les règles habituelles, mais demandent une protection (gouttière) et une plus grande surveillance.

 

 


 

 

Légendes des illustrations :

 

Photo n°1 et n°2 :

La zone d’usure d’origine parafonctionnelle d’une dent trouve sa correspondance en miroir sur la dent antagoniste

 

Photo 3, 4, et 5. :

Érosions (dissolution d’origine chimique) doublée de lésions d’usure parafonctionnelle. Le diagnostic différentiel est important à établir.

 

Photo 6 et 7 :

Bruxisme avec lésions d’attrition. Les mêmes usures sont reproduites sur la gouttière, qui protège les dents mais n’arrête pas le bruxisme.