Conflits d'intérêts

Marc Roché

Publié le dimanche 01 mars 2009

Roché

 

Comment faire cohabiter santé bucco-dentaire et santé du cabinet dentaire dans le système d'économie mixte qu'est devenu notre cadre d'exercice ? La question du conflit d'intérêts se pose plus que jamais. Il fut un temps où la santé financière des cabinets dentaires pouvait s'appuyer sur un investissement à visée schumpétérienne dans la formation continue – laquelle était alors considérée comme pourvoyeuse de techniques innovantes et de nouveaux actes donc synonyme de relance de l'activité. Il en fut ainsi avec l'apparition des techniques céramo-métalliques, le développement de la parodontie et plus récemment avec l'avènement de l'ère implantaire ou de la dentisterie esthétique.

 

Une telle approche de la formation continue – surtout chez un praticien dont la composante gestionnaire des compétences prévaudrait – est d'autant plus compréhensible que le caractère non opposable de la plupart de ces nouveaux actes lui permet d'être honoré décemment. Une telle dentisterie a sa place. Encore faut-il que le patient dans un contexte de crise économique y trouve son compte !

  

Car notre métier de santé ne réside-t-il pas, avant toute considération, dans la prévention, dans le traitement de la maladie carieuse et surtout dans la réalisation de traitements endodontiques irréprochables sur lesquels on ne revient pas, tant réalisés « à l'emporte-pièce » ceux-ci peuvent avoir une incidence néfaste, au travers de l'infection focale, sur la santé du patient ? Nous, chirurgiens-dentistes, sommes pourtant bien placés pour savoir qu'on n'investit pas dans la toiture quand les fondations ne sont pas solides !

  

En parallèle, la formation continue fait aussi la promotion d'une dentisterie économe de tissus, peu invasive, qui propose des moyens de surseoir aux dévitalisations et aux restaurations prothétiques désormais jugées invasives qui leur faisaient systématiquement suite. La nécessité de remplacer toutes les dents manquantes, elle-même, est contestée par les enquêtes de qualité de vie réalisées dans les pays anglo-saxons.

 

Là aussi, l'actualisation des connaissances mène au conflit d'intérêt car la restriction des indications de prothèse fixée cause préjudice à la bonne santé financière des cabinets. A l'heure de l'intervention de l'Etat dans le monde bancaire, la profession attend plus que jamais une décision politique keynésienne qui adapterait la nomenclature au coût réel des actes et qui engagerait la profession à réaliser, avec le même intérêt, aussi bien des soins conservateurs respectueux des objectifs de l'endodontie moderne que des actes non opposables.

Une telle décision politique lèverait la pression qu'exerce le conflit d'intérêt sur la prise en charge des patients et sur les prises de décision thérapeutique et permettrait au patient et à son praticien de retrouver leur place au coeur du dispositif de soins.

 

Marc Roché