Juge et partie

Marc Roché (président de la SOP)

Publié le mercredi 01 novembre 2023

Il est permis de douter de l’indépendance de certains experts…
Marc Roché

 

À partir de 2011, à la SOP comme ailleurs, est apparue la mention de liens d’intérêts que pouvaient avoir les conférenciers ou les enseignants de nos formations.
La déclaration publique d’intérêts (DPI) a en effet été inscrite dans le Code de santé publique pour faire pièce aux risques de conflits d’intérêts en santé, mis en lumière à l’occasion du procès du Médiator.
Une mesure qui semblait disproportionnée pour notre profession, mais qui visait à renforcer l’indépendance de l’expertise sanitaire.

Aujourd’hui, le problème s’est déplacé et il importe de considérer que ce qui vaut pour l’expertise sanitaire vaut a fortiori pour l’expertise judiciaire.
Rappelons que l’impartialité du juge est au fondement de la justice : nul ne peut être juge et partie !
Comme le précisait en mars 2018 Jean-Claude Marin, ancien procureur général près la Cour de cassation, l’impartialité, l’indépendance de l’expert, puisqu’il est « éclaireur de la justice » sur les aspects techniques, sont requises comme elles le sont pour le juge (1).

Cet éminent magistrat, qui s’exprimait à l’occasion d’un colloque (1), concluait son allocution en disant que « les garanties qu’offre le serment gagneraient à être renforcées sous la forme, par exemple, d’une déclaration d’intérêts, à l’instar de celle souscrite par les experts de certaines agences publiques comme la Haute autorité de santé. ».
Une déclaration de liens d’intérêts qui fournirait des éléments d’appréciation au juge au moment du choix des experts.

En effet, il est permis de douter de la totale indépendance d’un certain nombre d’experts en odontostomatologie qui portent une  double casquette.
Ces confrères, qui viennent parfois de la formation postuniversitaire voire universitaire, se voient sollicités par des enseignes de centres dentaires bien connues pour donner – contre de confortables rémunérations –, qui des formations aux praticiens salariés de leurs centres dentaires, qui du conseil à leur direction !
Avec toute l’autorité que donne à ces « experts » la reconnaissance obtenue de l’université, entre autres institutions de la République.

Ainsi, l’impression est forte d’avoir affaire à une corporation qui n’est pas régie par la règle commune.
Et, puisque l’on ne peut se fier ni à l’éthique ni aux déontologies, il faudra bien, selon la recommandation de Jean-Claude Marin, un jour légiférer.
Le plus tôt sera le mieux.


Marc Roché,
président de la SOP



(1) Colloque « L’expertise : entre neutralité et partis pris » organisé conjointement par le Conseil national des compagnies d’experts de justice et le Conseil national des barreaux.