Un système de santé dentaire décarboné ?

Philippe Safar (président d'honneur SOP)

Publié le mardi 01 février 2022

La profession serait avisée de s'intéresser à une révolution silencieuse qui se prépare, fondée sur une santé décarbonée.
Safar


Si nous avons bien compris, la Conférence des Nations Unies sur le climat (COP 26), qui s’est tenue voilà quelques mois à Glasgow, ne va rien changer de fondamental. En clair, elle serait un échec, et l’urgence à agir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre aurait laissé les gouvernants de marbre. C’est aller un peu vite sur ce résultat négatif de Glasgow.

Car en coulisse, des groupes de réflexion ont travaillé et rédigé des orientations à l’intention de l’industrie, des professionnels et des gouvernants. Or ces travaux, et notamment dans le domaine de la santé, pourraient bien avoir un impact majeur. La profession serait avisée de s’y intéresser car un solide corpus est en train d’émerger, qui prépare une révolution silencieuse fondée sur une santé décarbonée permettant de soigner durablement. Ses conséquences ne seront pas neutres.

En France, le secteur de la santé serait responsable de près de 8 % des émissions de gaz à effet de serre avec ses 2,5 millions d’emplois. Ce seul fait incite à la réflexion, pour qui veut effectivement adapter les pratiques et « concevoir à grande échelle des mesures opérationnelles (réglementaires, économiques, fiscales, sociales, organisationnelles) destinées à rendre l’économie effectivement compatible avec la limite des 2°C de réchauffement climatique désormais communément prise pour objectif ».

Au premier rang des acteurs de ce changement : l’industrie en santé, qui va devoir effectuer une mutation dans sa recherche et son développement.

Car il y a là un gisement rapidement repenser pour promouvoir la sobriété énergétique des usages. Nous parlons ici des dispositifs médicaux, des médicaments non utilisés, des consommables à usage unique et consécutivement, de la production des déchets (masques, blouses, gants, visières de protection, qui sont fabriqués à partir d’hydrocarbures et donc peu recyclables). Une réflexion d’autant plus impérieuse que les filières de recyclage sont débordées par une production incontrôlée de dispositifs médicaux à usage unique. Il faudra repenser les soins avec des dispositifs réutilisables.

Plus largement, les gouvernants ne pourront pas s’affranchir d’une révision du système français du soin, trop exclusivement orienté sur le curatif. Ce qui va se jouer, c’est un renforcement de la prévention visant à limiter les actes et les prescriptions, et cela, sur fond de d gradation du système public dans son ensemble, menace bien plus grave que l’épidémie de Covid.

Dernier point, notre profession se rajeunit et se féminise année après année. Elle est plus réceptive aux enjeux d’une pratique plus écologique qui ne soit pas réductible à un green-washing pernicieux.

Tous ces facteurs laissent augurer des changements, et peut-être bien plus tôt que nous ne l’imaginions.

 

Philippe Safar,
Président d'honneur de la SOP

 

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