Garder le contact

Marc Roché (président de la SOP)

Publié le mercredi 02 janvier 2019

Ministre, président de la République, nul n’est à l’abri des décisions absurdes !
Marc Roché

LE MOUVEMENT DES GILETS JAUNES, en dépit de ses débordements, a longtemps conservé le soutien de l’opinion. Certes, nombre d’entre nous sont conscients de l’indigence des retraites et des faibles revenus de beaucoup, a fortiori lorsqu’on les compare aux appétits « No limit » de certains. Mais, pour trouver un tel écho, ce mouvement impulsé par des décisions non concertées n’a pu émerger que d’un fond de souffrance généralisé. La persistance de ce soutien tient peut-être à ce que nombreux sont ceux qui, en France, partagent ce sentiment de frustration, niés qu’ils sont dans la reconnaissance de leur savoir-faire, de leur métier.

Cette négation se traduit par un manque de prise en considération de l’expérience, de la « professionnalité » des gens, comme l’expliquait la sociologue Danièle Linhart dans un entretien paru récemment dans le JSOP (1). En rapportant les propos du numéro deux de la SNCF, qui avait déclaré : « N’importe quel cheminot qui fait son métier depuis 10 ou 20 ans pense qu’il connaît son métier mieux que moi ! », elle soulignait l’outrecuidance technocratique. Souvenons-nous encore de Marisol Touraine, enfermée dans sa posture de « sachante », sourde à la réalité de nos métiers, tranchant d’un règlement arbitral et imposant sa loi de modernisation du système de santé. Avec de telles certitudes, ministre de la Santé ou président de la République, nul n’est à l’abri de décisions absurdes !

En effet, ce management, qui exprimait sa prétention dans le cadre circonscrit de l’entreprise, s’étend à présent à tous les domaines. C’est le cas du système de soins, à l’hôpital par exemple, d’où le contrepouvoir médical a été chassé. Pire encore, donc, c’est aussi le cas de la « start-up nation », où une caste issue des mêmes écoles impose sa « gouvernance » (2) (3).

LES CONSÉQUENCES SONT DÉLÉTÈRES. C’est un lourd gâchis à la fois pour les individus – démotivation, burn out – et pour l’entreprise : sous-exploitation de la richesse des savoirs et des pratiques, pourtant si indispensables aux progrès !

À ce titre, la lecture des trois livres que Christian Morel consacre à déconstruire les mécanismes des décisions absurdes est édifiante (4). Ils mettent en exergue en particulier les risques que font courir les chefs à leur collectivité ! Les membres du conseil d’administration de la SOP doivent à Philippe Milcent, rédacteur en chef du JSOP, d’avoir attiré leur attention sur les travaux de cet ancien DRH du CAC 40, et de les avoir convaincus d’organiser une journée toute d’actualité « Les décisions absurdes » en odontologie, le 17 octobre 2019.

Chères consoeurs, chers confrères, que tous nos voeux vous accompagnent en 2019.
À l’heure où de bonnes décisions doivent être prises, la SOP forme le voeu que vous gardiez le « Contact » avec les réalités dès le 17 janvier.


Marc Roché,
président de la SOP

(1) lire le grand entretien avec Danièle Linhart 
(2) Terme appartenant au vocabulaire de l’économie et de la gestion et non à celui de la politique comme « gouverner ». 
Éric Hazan, Lingua Quintae Respublicae - La propagande du quotidien, Raisons d’agir éd., p. 29-30.
(3) Jean-Pierre Lebrun, La perversion ordinaire - Vivre ensemble sans autrui, Denoël éd., pp. 178-181.
(4) Christian Morel, Les décisions absurdes I, II, III, Folio éd., coll. Essais.