Ce que nous enseigne cette affaire

Marc Roché (président de la SOP)

Publié le lundi 29 octobre 2018

« L’État développe une politique du soupçon »
Marc Roché

L’ÉTAT JACOBIN CENTRALISATEUR, saura-t-il tirer les leçons d’une affaire telle que Dentexia ? 

Cet État qui décide d’en haut et qui fait obstacle à « l’initiative individuelle, indissociable de la responsabilité » (1), celle, en particulier, d’installation de jeunes praticiens plus souvent tentés dès lors par le salariat que par l’exercice libéral. Car d’un côté, il développe une politique du soupçon vis-à-vis de l’individu au moyen de règlements et d’obligations établissant une véritable surveillance de celui-ci et, de l’autre, ouvre aux intérêts privés et, donc, à l’économie, le domaine de la santé.

Avec la loi HPST de 2009 – est-ce par simple volonté de simplification administrative ? – l’État a ramené l’autorisation de création de centres de santé sous statut associatif à une simple déclaration explicative faillant ainsi à son devoir régalien de protection des citoyens. Car ces créations, qui ont fait florès depuis, ne sont plus soumises à aucun contrôle préalable des Agences régionales de santé (ARS).

Nul doute que ces centres, qui ciblaient la clientèle des plus démunis sur des arguments de prix, ont, à grande échelle, mis à jour les dérives qui jusque-là restaient confinées à un petit nombre.

L’ÉTAT COMPRENDRA-T-IL « ce que nous enseigne les sociétés primitives » et que décrit le géographe américain, Jared Diamond, dans son livre Le monde jusqu’à hier (2) quand il compare le mode de survenue et de règlement des conflits dans les sociétés primitives de Nouvelle-Guinée à celui qui prévaut dans les États constitués.

Dans les premières, faites de petits groupes, tous s’y côtoient alors qu’à l’inverse dans les secondes – beaucoup plus peuplées – l’anonymat prévaut. Ainsi, dans ces petites communautés archaïques le conflit est beaucoup plus rare mais, lorsqu’il survient, il est réglé entre les groupes familiaux impliqués, de façon à ce que tous puissent ensuite continuer de vivre ensemble.

CONTINUER DE VIVRE ENSEMBLE comme on vit ensemble dans nos petites villes de province ou dans les quartiers de nos grandes métropoles, où le praticien responsable est au contact de la population qu’il soigne, et vis-à-vis de laquelle il se doit d’être fiable. Des situations qui constituent la meilleure façon de ne pas être confronté à l’insatisfaction de patients rencontrés au hasard du quotidien.

Car elles facilitent l’écoute et la compréhension des demandes et la prise en compte des besoins de santé.

Cela passe aussi par les garanties offertes par une formation continue volontaire et présentielle destinée à faire bénéficier les patients de soins avertis.

La SOP qui a de longue date compris l’importance du rôle de l’omnipraticien au sein du tissu social, propose une journée pour « Maîtriser tous les contacts » le 17 janvier 2019.

Car, en avance sur son temps, elle a compris ce que nous enseignent les sociétés primitives !

Marc Roché,
Président de la SOP

(1) François Sauvadet, « Le grand retour de l’état jacobin et centralisé », La Croix datée du 23 février 1018. 
(2) Jared Diamond, Le monde jusqu’à hier, « Ce que nous apprennent les sociétés traditionnelles », Éd. Gallimard, Folio essais 599.