Tout ce qu'il faut savoir des Urgences Dentaires Infectieuses

LES URGENCES DENTAIRES INFECTIEUSES (UDI) représentent plus d’un tiers des urgences dentaires prises en chargedans le cadre de la permanence des soins. 44 % des urgences surviennent pendant les jours ouvrables, 36 % pendant la nuit et 20% les week-ends et jours fériés. Dans la tranche d’âge des 25-40 ans, les UDI représentent 80% des urgences. Elles concernent 59 % d’hommes et 41 % de femmes.

Les dents qui sont le plus souvent en cause sont les premières et troisièmes molaires.

D’une manière générale, on peut classer les UDI par ordre décroissant d’apparition :

• abcès endodontiques (42,32% des cas) ;

• cellulites séreuses (17,61% des cas) ;

• accidents infectieux liés à la troisième molaire (15,05% des cas) ;

• abcès parodontaux (10,7% des cas) ;

• cellulites collectées (9,9% des cas) ;

• cellulites diffuses gravissimes (3,4% des cas), avec une recrudescence saisonnière en été.

Les critères de gravité sont à rechercher dès la demande de rendez-vous en urgence. Si deux des critères suivants sont présents, la prise de rendez-vous devra être ultrarapide : un délai d’apparition des symptômes supérieur à 48 heures, une gêne à la déglutition, à la ventilation ou à l’ouverture buccale, une fièvre et, à plus forte raison, une altération de l’état général.

 

Les règles de prise en charge d’une UDI sont :

• un examen clinique complet ;

• un examen radiologique ;

• un geste thérapeutique (drainage, décompression) ;

• une prescription ;

• un rendez-vous dans les 24 à 72 heures pour contrôle ou geste complémentaire.

Dans la grande majorité des cas, les urgences sont d’étiologie bactérienne.

 

Elles comprennent :

 

1. La parodontite apicale aiguë suppurée ou abcès apical aigu ( photo n°1 )

Celle-ci génère une douleur intense. La palpation apicale est douloureuse et des signes généraux sont possibles. Son traitement en urgence réside :

• dans la décompression par voie canalaire (ouvrir la chambre pulpaire), par voie osseuse (trépaner) ou par voie gingivale (en cas d’abcès gingival associé) ;

• dans la prescription associée d’antibiotiques (amoxicilline 500, 2x2x7j. ou clindamycine 1 200mg/jx7j.), d’antalgiques et d’antiseptiques locaux.

 

 

2. L’abcès sous-périosté

Il correspond à l’extension de l’infection au niveau des zones où il existe un contact direct entre muqueuse et périoste. Il génère des douleurs intenses et une tuméfaction. Le traitement réside dans son drainage et dans le traitement de la dent causale (endocanalaire ou avulsion).

 

 

3. L’abcès parodontal

Il génère une douleur, une mobilité dentaire et des signes généraux variables. Sa prise en charge est médicale, mais ne nécessite pas d’antibiothérapie. Dans ce cas, il faudra prescrire des antalgiques de niveauI ou II et des antiseptiques, et procéder à un débridement par ultrasons auquel on associera des antiseptiques sous-gingivaux.

 

 

4. Parodontite ulcéro-nécrotique ( photo n°2 )

Celle-ci survient le plus souvent chez l’adulte jeune, stressé, à l’état général altéré. Les douleurs sont intenses et cèdent mal aux antalgiques. Hyperthermie, asthénie, anorexie et céphalées leur sont souvent associées. Des adénopathies satellites sont présentes. Afin de ne pas passer à côté d’une leucémie aiguë ou de toute autre maladie immunodépressive, une prescription de numération formule sanguine incluant les plaquettes peut être justifiée. Le traitement consiste en une antibiothérapie à large spectre associée à des antalgiques de niveau II et de la chlorhexidine. Localement, il convient d’effectuer une détersion douce à l’eau oxygénée et recommander une brosse douce type Inava 7/100.

 

 

5. La péricoronarite aiguë congestive

Elle se caractérise par une inflammation du sac péricoronaire et de la fibromuqueuse adjacente avec la possible empreinte des dents antagonistes. La douleur est spontanée, de même que la pression qui s’accompagne d’un écoulement sérosanglant. Ce type d’infection se traite au moyen d’antalgiques et d’antiseptiques buccaux. Le suivi de l’évolution est obligatoire.

 

 

6. La péricoronarite aiguë suppurée ( photo n°3 )

Pour cette pathologie, le tableau clinique est plus marqué. Il y a hyperthermie, asthénie, anorexie. Les douleurs sont violentes, l’apparition d’un trismus ou d’une limitation de l’ouverture buccale est fréquente, avec dysphagie et gêne à la mastication. Le patient présente des adénopathies satellites, la muqueuse est érythémateuse et oedématiée. La pression est douloureuse et déclenche un écoulement purulent.

Le traitement d’urgence est local (rinçage à l’eau oxygénée à 10 vol. additionnée de polyvidone iodée) et systémique (antibiothérapie à base d’amoxicilline, 2 g/j x 7 j. ou spiramycine métronidazole 150 000 unités/250mg, 1 comprimé 3 x/j.x7j. et  antalgiques de niveau II + corticoïdes si nécessaire 1mg/kg/j.). Le suivi de l’évolution est obligatoire.

 

 

7. L’alvéolite sèche

Pour mémoire, il ne s’agit pas là d’une urgence infectieuse. L’alvéolite sèche est provoquée par un défaut de formation du caillot.

 

 

8. L’alvéolite suppurée

Son traitement préventif consiste à respecter les bonnes règles d’hygiène (importance des bains de bouche antiseptiques en préopératoire). Elle survient de 5  21 jours après l’intervention. L’alvéole douloureuse est comblée d’un tissu granulomateux duquel provient un écoulement séropurulent. Le traitement consiste dans le curetage de ce tissu sous anesthésie locale, une irrigation locale antiseptique et une antibiothérapie classique.

 

 

9. Pathologie infectieuse des glandes salivaires

Les symptômes cliniques de la sous-maxillite comme de la parotidite aiguë à germes communs sont : la tuméfaction unilatérale locale rythmée par les repas, les signes de rétention salivaire, les douleurs à type de colique brusque et irradiante, les orifices du canal de Sténon ou de Wharton enflammés unilatéralement.

La recherche d’une lithiase doit être clinique et radiologique (radiographie occlusale, échographie, scanner ou IRM). Le traitement consiste en la prescription :

• d’antibiotiques (association acide clavulanique et amoxicilline – Augmentin®) x7j. ;

• d’antispasmodiques : phloroglucinol (Spasfon®) six comprimés/j. ;

• d’antalgiques et de sialogogues.

Le suivi de l’évolution est obligatoire jusqu’à l’évacuation de la lithiase.

 

 

10. La sinusite aiguë maxillaire

Les symptômes rhinosinusiens unilatéraux apparaissent moins de 72 heures après une douleur de type desmodontal. Une rhinorrhée homolatérale, purulente et fétide accompagne la douleur. Le traitement consiste en une antibiothérapie (Augmentin® ou céphalosporines) associée à des corticoïdes (5 jours au maximum). Face à une sinusite aiguë maxillaire unilatérale, une étiologie dentaire est à rechercher et à traiter.

 

 

11. L’infection sur piercing ( photo n°4 )

Cette infection impose la dépose du piercing et une prescription d’antibiotiques, d’antalgiques, de corticoïdes si nécessaire, et d’antiseptiques locaux.

 

 

12. Les cellulites odontogènes

Ce sont des infections du tissu cellulo-adipeux localisées principalement dans les tissus mous sous-cutanés. Leur origine est endodontique, parodontale ou iatrogène. Elles sont toujours secondaires à un foyer dentaire mal traité. Selon qu’il se situe au maxillaire ou à la mandibule, leurs voies d’extension se feront vers les parties molles de la face ou du cou. Elles demandent obligatoirement un suivi du patient dans les deux à trois jours après la consultation d’urgence. On distingue :

 

 

Les cellulites de type aigu

Elles nécessitent une prise en charge rapide du fait du risque de passage à un stade diffus d’évolution très sévère. Elles sont dans un premier temps séreuses, puis deviennent suppurées avec des signes d’atteinte de l’état général et l’apparition fréquente d’un trismus. Enfin, elles peuvent se fistuliser à la peau ou aux muqueuses ( photo n°5 ).

Leur topographie varie en fonction de leur cheminement à partir de la dent causale. Séreuses ou suppurées, leur traitement réside dans l’association d’un geste opératoire obligatoire à l’antibiothérapie: cathétérisme du canal ou avulsion « à chaud », drainage par incision ou trépanation et pose d’une lame ( photos n°6  à  n°10 ) :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les complications évolutives seront dues :

• à une antibiothérapie insuffisante ;

• à une automédication massive par antiinflammatoire non stéroïdien (AINS) sans couverture antibiotique ;

• à la non prise en compte de la cause dentaire ou à un retard de prise en charge.

 

L’antibiothérapie doit être une antibiothérapie par voie orale (6 à 10 jours) sous ces différentes formes:

• Amoxicilline + acide clavulanique : Augmentin® 500mg, 6 comprimés/j. (3x2) ;

• Amoxicilline +métronidazole: Clamoxyl® 500mg, 6 comprimés/j. (3x2) et Flagyl® 500mg, 3 comprimés/j. (3x1) ;

• Pristinamycine : Pyostacine® 500 mg, 6 comprimés/j. (3x2) ;

• Clindamycine : Dalacine® 300mg, 6 comprimés/j. (3x2).

 

Il faudra parfois hospitaliser dans les cas suivants :

• un tableau clinique avancé : fièvre, dysphagie, trismus, sueurs, jeûne depuis plusieurs jours ;

• un terrain débilité : VIH, diabète, toxicomanie, cardiopathie, éthylisme, immunodépression ;

• un terrain socio-économique défavorable.
 

L’hospitalisation permet une antibiothérapie par voie parentérale, ainsi que le traite ment global d’un mauvais état dentaire parfois sous anesthésie générale. L’anesthésie générale permet de lever le trismus ainsi que de pratiquer dans un délai raisonnable l’avulsion ou les avulsions des dents causales.

 

 

Les cellulites de type diffus ou fascéites nécrosantes

Ce sont des situations graves qui nécessitent un drainage chirurgical en milieu hospitalier ainsi que des antibiotiques à haute dose par voie intraveineuse lente.

 

Les infections virales et fongiques (photo n°11)

sont beaucoup plus rares :

• La primo-infection herpétique à HSV de type 1

Elle est représentée par une gingivostomatite dans 5% à 10% des cas. Dans la majorité des cas, elle est inapparente. Elle se traite par des topiques anesthésiques,  de l’aciclovir et des antalgiques de niveauII. Les corticoïdes sont formellement contre-indiqués.

• Le zona facial

Il peut débuter par une algie faciale aiguë rebelle, laquelle peut parfois tromper le praticien. Ce dernier à la recherche d’une cause dentaire entreprend des soins, voire réalise des extractions inutiles. Les douleurs d’un zona facial sont traitées par morphiniques (10 mg/4 h), et l’infection zostérienne au moyen d’aciclovir. Le zona facial peut se compliquer d’exfoliations dentaires.

 

 

La candidose buccale

Elle est liée à des facteurs locaux (irritants, tabac, hyposialie) ou iatrogènes en  rapport avec des traitements antibiotiques ou corticoïdes, ou encore généraux (diabète, dénutrition, fièvre, anémie, ra diothérapie).
Le traitement consiste en la remise en état de la cavité buccale, une motivation à l’hygiène, la désinfection prothétique, et un traitement antifongique local de 7 à 14 jours.
En conclusion, pour la prise en charge des infections dentaires en urgence, la règle consiste à toujours  pratiquer un examen clinique, souvent un examen radiologique, parfois un geste thérapeutique et à effectuer systématiquement un contrôle dans les 24 à 72 heures.