« Kalachnikov » lire la nouvelle Chronique au fauteuil de Valérie Travert

Publié le jeudi 28 mars 2024

CHRONIQUE DE FAUTEUIL N°17

Kalachnikov

Les petits bonheurs, les doutes et parfois les affres d’un exercice
au quotidien en pratique généraliste vus par Valérie Travert, omnipraticienne.

Face à un cas clinique, différentes voies thérapeutiques s’ouvrent que nous allons exposer au patient.
Jusque-là, c’est assez simple : nous sommes dans le « dur », dans le scientifique, avec l’exposé des avantages et des contraintes liées à telle ou telle option.
Puis cela se complique, car nous ne soignons pas « une dent » mais un patient.
C’est cela qui fait la beauté de notre métier, ce rapport entre la science « dure » et ce qui bénéficie réellement au patient, le chemin qu’il est prêt à faire pour aller vers la solution thérapeutique la plus pertinente pour lui.
Même si aucun praticien digne de ce nom n’accepterait d’aller vers une solution contraire à l’intérêt du patient ou qui heurterait les données acquises de la science, lorsque nous dialoguons sur ces options avec le patient, nous passons de cette science « dure » à quelque chose de plus empirique.
Je repense souvent à ce patient qui a modifié mon regard sur ces choses.
Après une explication sur les alternatives de régénération osseuse pour la pose d’un implant au maxillaire supérieur, le patient m’avait fixée un long moment, sans un mot, puis son regard s’était échappé dans le vague.
Brusquement, il était revenu à la réalité et m’avait dit ces mots :
« Vous savez, je suis resté neuf mois aux Invalides après les attentats du 13 novembre, j’ai encore deux balles de kalachnikov dans la cuisse.
Ce que l’on me proposait était trop long, trop lourd.
Je ne veux plus entendre parler de greffe, d’attente de cicatrisation, de nouvelles réintervention ».
La médecine est-elle une science ?
Elle l’est, oui, mais elle est aussi autre chose, qui tient dans la relation d’écoute et de confiance entre le médecin et le patient.