« Le retardataire pathologique » Nouvelle Chronique de Fauteuil par Valérie Travert

« Le retardataire pathologique » Nouvelle Chronique de Fauteuil par Valérie Travert

Publié le mercredi 29 mars 2023

Valérie Travert


 





   CHRONIQUE DE FAUTEUIL   


Le retardataire pathologique


Les petits bonheurs, les doutes et parfois les affres d’un exercice
au quotidien en pratique généraliste vus par Valérie Travert, omnipraticienne.

 

Ah ! les patients retardataires ! Ils ont toujours une bonne excuse.
Un camion poubelle bloquait la route, la porte du parking était coincée, le fiston avait la scarlatine, une réunion impromptue a été déclenchée, etc.
Alors, bien sûr, certains d’entre eux prennent la peine de prévenir par téléphone. Hélas, ils sont de plus en plus rares.
Un signe des temps, peut-être.
Être informé d’un retard, c’est presque devenu un luxe.
Ça serait trop facile. Non, dans la vie courante, le retardataire lambda ne prévient pas. Il n’a pas le temps.
Ou il n’y pense pas.
Et vous, dans la solitude de l’attente, au pied d’un fauteuil désespérément vide, la contrariété vous gagne. Puis une franche irritation.
C’est tout votre agenda de la journée qui risque d’exploser en vol, et il va falloir travailler sur un rythme plus soutenu.
Voilà finalement le retardataire.
Mon principe : ne pas paraître excédée.
Travailler en toute sérénité est pour moi le gage de la réussite du soin.
Je n’écoute donc pas mon cerveau reptilien, pourtant très loquace.
Comme un petit diable, il ne cesse de susurrer à mes oreilles que ce patient se croit unique au monde, seul digne d’attention, se moquant de la désorganisation au sein de l’équipe soignante, sans égard pour les autres patients qui, eux, sont à l’heure et devront attendre par sa faute.
Parmi les retardataires, il existe une catégorie à part.
Le retardataire pathologique. Certains sont d’ailleurs adorables.
Simplement pour eux, être ponctuel relève de l’impossibilité psychique.
Pour éviter les problèmes, je leur donne un rendez-vous quinze minutes avant l’heure réelle. Cela marche relativement bien.
Sauf une fois, lorsque l’un d’eux est arrivé en avance (sa montre devait être détraquée, je ne vois pas d’autre explication).
Il n’a pas supporté cette inversion des rôles.
Il devenait celui qui attendait. Il était outré.
Petite confession : mon cerveau reptilien et moi-même, nous avons bien rigolé sous cape.
 

par Valérie Travert, omnipraticienne


Chronique de fauteuil n°10 à lire en page 7 du Journal de la SOP, le JSOP n°3 mars-avril 2023    


#3F8FA6 SOP 2023 ©

Tous les flashs infos