« Un jour sans » par Valérie Travert / CHRONIQUE DE FAUTEUIL

« Un jour sans » par Valérie Travert / CHRONIQUE DE FAUTEUIL

Publié le lundi 04 avril 2022

Valerie Travert







  CHRONIQUE DE FAUTEUIL  

« Un jour sans »


NOUVELLE CHRONIQUE AVRIL 2022
Les petits bonheurs, les doutes et parfois les affres d’un exercice au quotidien en pratique généraliste vus par Valérie Travert, omnipraticienne.


 

Il y a des journées comme cela où vous arrivez guillerette au cabinet sans vous douter qu’une escadrille de problèmes vous attend au virage. Mon prothésiste ouvre le bal alors que je suis à peine dans les locaux. Il m’appelle pour m’annoncer le retard de livraison d’un travail que je dois poser aujourd’hui même. Problème : ce patient part en vacances le lendemain pour une destination exotique. Bref moment de solitude car, à peine ai-je le temps d’y réfléchir qu’une patiente affolée m’appelle à son tour : son inlay provisoire s’est descellé. Elle est en déplacement, et le praticien qu’elle a consulté en urgence lui propose de dépulper sa molaire. Je passe un long moment au téléphone pour la rassurer alors que je n’ai pas réglé le premier problème et qu’un patient m’attend sur le fauteuil.

Je commence enfin mon intervention. Bizarre : je perçois que mon assistante n’est pas dans son assiette. Ses gestes sont mécaniques, elle est renfrognée, cela ne lui ressemble pas. Tout va s’expliquer après la consultation. Le prothésiste cherche à me joindre en urgence. Veut-t-il m’annoncer qu’il pourra finalement me livrer ? Pas du tout. Il n’a pas reçu l’empreinte d’un autre travail à réaliser. Chacun se rejetant la faute, un bras de fer s’engage entre lui et mon assistante. Après quinze interminables minutes de palabres, j’y mets fin : j’appellerai la patiente en espérant qu’elle soit compréhensive.

Ma journée est chamboulée mais je me dis que je parviens à contenir mon retard dans des limites acceptables. Il est quinze heures. J’achève des sutures, j’ai résolu le problème avec mon patient qui part en voyage (il viendra demain matin, j’ai obtenu la garantie de la livraison du travail) : il semble bien que ma période chat noir soit passée. Erreur. Soudain, panne d’électricité ! C’est le branle-bas de combat au cabinet et pendant que, seule face au panneau électrique, je tente de diagnostiquer le problème, j’entends des bruits sourds en provenance du palier. J’ouvre la porte et, à cet instant, c’est le pompon : un patient est bloqué dans l’ascenseur ! Car la panne d’électricité affecte tout le quartier. Les pompiers sont appelés. Mais la porte ne sera débloquée qu’une heure trente plus tard. Quand tout part en vrille et que le sort a décidé de s’acharner contre vous, il faut savoir faire contre mauvaise fortune bon cœur. Baisser de rideau. Demain sera un autre jour.
Au terme d’une nouvelle séance où sont réalisés l'élargissement de l’embrasure entre 11 et 21 et la légère diminution du bord incisif de 21, une lueur de joie illumine alors le visage de la jeune maman qui dit se retrouver « comme avant ». Je me sens allégée d’un poids énorme. Et me vient en mémoire cette phrase de Spinoza : « La joie est le passage de l’homme d’une moindre à une plus grande perfection. »

 

par Valérie Travert, omnipraticienne
 

Chronique à télécharger :
« Un jours sans » par Valérie Travert omnipraticienne  

Tous les flashs infos