L'odontologie conservatrice et l'endodontie chez la personne âgée

 

L’odontologie conservatrice et l’endodontie chez la personne âgée

 

par Claire Lassauzay

 

 

La dent âgée connaît des modifications de toutes ses structures. L’augmentation de la minéralisation de l’émail diminue la sensibilité à la carie mais rend l’émail plus cassant. Il y aura donc beaucoup plus de fêlures et de morceaux d’émail ébréché pouvant créer des blessures au niveau des lèvres et de la langue, ce qui est préjudiciable au confort du patient. Le dépôt de cristaux dû à l’attrition ou au vieillissement seul, au sein des tubuli dentinaires, entraîne une modification des qualités mécaniques de la dentine. La résistance à la propagation des fractures en est altérée et la dentine a plus tendance à se fracturer, notamment à la racine.

Au niveau pulpaire, il y a involution du réseau vasculaire, de l’eau et du nombre de cellules ainsi qu’une augmentation des fibres de collagène et d’amas calcifiés. Le potentiel réparateur de la pulpe face aux agressions bactériennes et chimiques est ainsi diminué. La position des cornes reste longtemps inchangée, mais le rapprochement du plafond et du plancher aboutit à la diminution du volume de la chambre pulpaire. Le dépôt concentrique de dentine diminue le diamètre de la lumière canalaire au niveau de la pulpe radiculaire.

 

Divers processus pathologiques peuvent intervenir. L’agression microbienne caractéristique est la carie de collet. Elle est souvent liée à une absence de nettoyage et au port de prothèses en continu. Des études récentes montrent que la santé bucco-dentaire est préoccupante chez les personnes âgées en centre d’accueil, en particulier chez celles présentant des pathologies démentielles. Ainsi, deux tiers des malades présentent des caries et la fréquence des caries radiculaires est corrélée au déficit cognitif. De plus, les traumatismes sont courants car les personnes âgées chutent fréquemment. Ils peuvent également se produire lors d’une intubation.

 

Abrasion, attrition, érosion sont constantes. Les fêlures sont fréquentes car l’émail est plus cassant. Tous ces processus pathologiques entraînent une apposition de dentine réactionnelle.

 

Celle-ci peut devenir anarchique et conduire à des phénomènes de nécrose localisée à bas bruit. Cela a pour incidence clinique une dent moins sensible aux stimuli thermiques ou mécaniques à visée diagnostique.

 

Dans ce contexte il faut être très conservateur en gardant le maximum de dents et maintenir un état nutritionnel correct. Car même des prothèses bien adaptées chez un édenté complet ne compensent pas l’absence de dents. En outre, la capacité d’adaptation des sujets âgés diminue déjà avec l’âge et plus encore quand un processus neurodégénératif s’installe. Le recours à l’implantologie peut être limité par la peur de la chirurgie ou l’aspect financier. Le maintien de l’intégrité des arcades permet une déglutition correcte et la conservation des dents permet la rétention d’une PAP (surtout en classe I de Kennedy), ainsi que la préservation du volume osseux et de la proprioception sous la prothèse adjointe. Enfin, il faut préserver les dents lorsque l’acte chirurgical présente un risque (comme la prise de biphosphonates, par exemple). Le traitement endodontique est difficile car le volume pulpaire est réduit. Le risque principal est la perforation du plancher. Pour éviter cela, il faut utiliser des instruments tels que la fraise Zekrya Endo. La diminution du volume pulpaire est responsable d’une ischémie qui évolue plus vite vers une nécrose à bas bruit. C’est pourquoi certains préconisent une « pulpectomie préventive » afin d’éviter les complications liées au traitement endodontique sur dent « âgée ».

 

En ce qui concerne le retraitement endodontique, si les difficultés sont les mêmes que chez les patients plus jeunes, on sera toutefois plus souvent confronté à des obturations au cône d’argent ou à la résine bakélite. Ainsi, avant de retraiter, il faut se demander quel sera le bénéfice et pour combien de temps.

 

Quels matériaux pour quelle indication ? Le collage du composite est difficile et nécessite la pose de la digue et l’utilisation du crampon pour repousser la gencive. Le protocole de mise en oeuvre des CVI est simple : il ne nécessite ni digue ni adhésif. Le CVI est donc plus facile à manipuler, possède un potentiel d’adhésion à l’émail et la dentine, libère des fluorures et peut être réalisé en conditions plus ou moins humides. En revanche, il est beaucoup moins esthétique que le composite. Les CVIMAR, quant à eux, ont des qualités esthétiques intermédiaires.

 

En conclusion, la dent âgée est plus fragile et plus difficile à traiter. Dans le cadre d’un vieillissement de qualité, des soins de haut niveau peuvent être réalisés. Dans le cas d’un vieillissement associé à une dépendance, des solutions existent, il faut les connaître.

 

 


Les points clefs :

 

1. La dent âgée connaît des modifications de toutes ses structures.

2. La diminution de la sensibilité complique le diagnostic pulpaire.

3. La sclérose dentinaire rend l’adhésion moins bonne.

4. La fréquence des caries des collets est accrue.

5. Le traitement endodontique est rendu difficile par un volume pulpaire réduit.

 


Légende des photographies :

1 - Fréquence élevée de caries chez les personnes âgées présentant des pathologies démentielles.

2 - Exemple d’abrasion-attrition chez la personne âgée.

3 - Réduction du volume de la chambre pulpaire consécutive à :

– un rapprochement du plafond et du plancher ;

– une réduction globale de la chambre pulpaire avec persistance de la position des cornes.

4 - En présence de cônes d’argent, la reprise du traitement endodontique ne sera effectuée que si necessaire.

5 - Le collage sur une dent de personne âgée exige un isolement par digue et un temps de mordançage plus long.

6 - Traitement d’une attrition par composites. Phase 1.

7 - Phase 2.

8 - Résultat final