Les risques et complications en endodontie

Les risques et complications en endodontie

 

par Jean-Yves Cochet

 

Un endodontiste spécialisé en chirurgie endodontique est confronté à de fréquentes complications qui résultent de l’activité de correspondants chirurgiens-dentistes généralistes. Face à ces complications, il est possible a posteriori d’en dégager les causes. Elles sont liées à un diagnostic insuffisant ou incomplet, à une mauvaise anticipation des difficultés, à l’utilisation de mauvais outils ou à une mauvaise utilisation des bons outils. Dans le cadre de la gestion des complications, le risque lié à la réintervention n’est plus que relatif. En revanche, là encore, il faudra parfaitement informer le patient des taux de succès, faire un devis précis pour ces gestes hors nomenclature et obtenir le consentement éclairé.


Les erreurs de diagnostic

 

On peut avoir besoin d’une imagerie en trois dimensions pour identifier clairement l’origine d’une infection endodontique (type kyste, granulome…). Puis le diagnostic différentiel d’une éventuelle infection chirurgicale (type abcès de Chompret-L’Hirondel) ou tumorale doit être réalisé. Après avoir effectué le diagnostic, le praticien sera amené à prendre sa décision avant de conduire l’acte thérapeutique. Ensuite, le contrôle de la guérison s’effectuera plusieurs mois après l’acte thérapeutique.


Anticiper les difficultés et minimiser les risques

Comme dans toutes les disciplines odontologiques, il convient avant tout acte d’évaluer les obstacles inhérents à celui-ci. Par exemple, une lésion kystique en rapport avec le nerf alvéolaire inférieur devra être, d’abord, décompressée par marsupialisation et/ou retraitement endodontique de la dent causale. Le bilan radiographique initial nécessite plusieurs incidences orthocentrées, mésiocentrées et distocentrées afin de définir la morphologie du système canalaire et d’objectiver les courbures canalaires, les calcifications ainsi que les canaux inconstants. Pendant le retraitement, il faut porter une grande attention au risque de fausse route, au canal MV2 souvent oublié, aux canaux calcifiés, sans négliger le risque de dépassement sur des canaux très larges. En cours de traitement, il convient de respecter une bonne cavité d’accès, d’irriguer largement et de maintenir l’asepsie du champ opératoire.


Choisir les bons outils

Les industriels mettent aujourd’hui à notre disposition des outils qui permettent d’affiner nos diagnostics et nos actes. Ainsi, en endodontie, il est Jean-Yves Cochet Les risques et complications en endodontie Journée du 7 juin 2012 – Risques, règles et complications recommandé de travailler avec un fort grossissement. Autre exemple : la chirurgie piézoélectrique a également été d’un grand apport lors des chirurgies endodontiques. Il faut garder à l’esprit que l’endodontie peut être un bon traitement pré-implantaire car elle permet de régénérer le potentiel osseux. La réussite tient également à des détails, comme éviter l’arrache-couronne au profit des fraises transmétal Predator® PR-DX de Codimed qui permettent de couper à la fois la céramique et le métal. L’imagerie 3D permet de déterminer les écueils d’un traitement endodontique : on peut ainsi voir les perforations et les canaux supplémentaires. Le traitement d’une perforation se fait avec du MTA, ou Biodentine ®, et la zone de formation avec un matériau résorbable comme le carbonate de calcium. Le pronostic varie en fonction de l’ancienneté de la perforation et de sa localisation (perforation basse, haute, du plancher…) On travaillera toujours avec des instruments en acier précourbés, un localisateur d’apex et du Glyde®… pour négocier les canaux difficiles. À noter que les instruments endodontiques doivent être changés régulièrement. On doit prévoir de garder à disposition des trousses pour déposer les instruments fracturés : trousse de Masseran (très délabrante), Endo Rescue (Komet). David Guex, quant à lui, utilise le laser.

 

En conclusion, il faut savoir qu’en endodontie l’échec peut arriver malgré tout, mais qu’il ne vaut pas faute. On voit maintenant apparaître la notion de défaut de compétence. Il faudra donc, à l’avenir, pouvoir justifier de ses capacités.

 

 


Repères juridiques, par David Jacotot

 

• Quand est-on responsable civilement ?

En matière d’actes médicaux, un praticien engage sa responsabilité si trois conditions sont réunies : une faute, un dommage, et une relation de cause à effet entre les deux. L’une des difficultés est qu’il n’y a pas de définition de la faute, c’est un standard juridique. Elle peut être une maladresse, une erreur, avec ou sans malveillance, un élément intentionnel ou non. Selon la loi Kouchner du 4 mars 2002, le patient doit avoir reçu les soins les plus appropriés. Il faut donc que le traitement soit efficace et garantisse la meilleure sécurité. Les connaissances médicales avérées doivent, bien sûr, avoir été respectées.

 

• Qu’est ce qu’une faute ?

L’échec ne vaut pas faute. L’on recherche donc la cause de l’échec. Si le risque est démesuré, on peut considérer qu’il y a faute. Mais ce qui compte en droit, c’est la cause dommageable, la relation de cause à effet entre la faute et le dommage.

 

• Comment présenter l’erreur au patient ?

Le risque d’avouer l’erreur est de donner des arguments aux patients, mais le fait de reconnaître l’erreur permet de déculpabiliser, de dédramatiser et de montrer que l’on n’abandonne pas le patient. Il ne faut pas que le patient apprenne qu’on lui a caché quelque chose. Dans ce cas, on risque de basculer dans le droit pénal, et le patient cherchera davantage à obtenir la « sanction du praticien ». Si l’on avoue une complication et si on la gère, on aura désamorcé le contentieux, sauf pour les contestataires et les procéduriers permanents. Si un instrument est fracturé mais que le patient – imaginons-le – ne prouve pas avoir subi un dommage, alors il ne peut obtenir une indemnisation. Le droit enseigne que les outils utilisés relèvent de l’obligation de résultat et non de la faute. Qu’en est-il de l’erreur de diagnostic ? L’erreur de diagnostic n’est pas une faute en soi si les moyens ont été correctement mis en oeuvre. Elle devient une faute lorsqu’elle est accompagnée d’une négligence, comme le fait d’agir trop vite, de ne pas appliquer les précautions élémentaires, ou en cas de retard. Par exemple, il a été jugé qu’en raison des circonstances l’erreur de prescription d’extraction en ODF est une faute. En tout, 80 % des erreurs sont liées au facteur humain (contrairement aux facteurs techniques, matériels…).

 

 


Légende des photographies :

photo.1 - Radiographie pré-endodontique (lésion kystique importante en rapport avec des traitements endodontiques apparemment corrects).

photo.2 - Scanner montrant des traitements endodontiques incomplets.

photo.3 - Contrôle à 1 an (régénération osseuse totale après reprise des traitements endodontiques).

photo.4 - Reconstruction 3D (lésion kystique importante, destruction des corticales externes et internes en rapport avec les 46 et 47).

photo.5 et 6 - Radiographie et reconstruction 3D trois ans après traitement endodontique (régénération totale).