Indications et mise en oeuvre de la CFAO pour les inlays-onlays en céramique

par Christian Moussally

 

DANS LE CADRE DU CONCEPT de préservation tissulaire, les inlays et les onlays  peuvent être considérés comme des thérapeutiques peu mutilantes par rapport aux couronnes périphériques, notamment en référence au gradient thérapeutique des Drs Attal et Tirlet qui permet de situer les techniques de restauration en fonction du délabrement qu’elles provoquent. Si la mutilation thérapeutique entraînée par une technique de restauration par stratification est de 5,5 %, elle est de 72 % pour une préparation périphérique de couronne céramique et de 27 % pour les inlays-onlays.

Le contexte actuel tend à privilégier les restaurations esthétiques. C’est par exemple le cas lors du remplacement de restaurations anciennes, pour lequel l’augmentation de la prévalence des caries ainsi que la nécessité de restaurations sans métal font privilégier les restaurations partielles en céramique. D’autant que ce type de restauration ne provoque pas d’interférences lors de certains examens radiologiques tels que les scanners et les IRM. Les études placent les restaurations partielles céramiques issues de la CFAO directe au même niveau de taux de survie que les inlays en or.

 

Méthodologie d’analyse des situations cliniques

Une méthodologie peut être appliquée pour analyser chaque situation clinique.

Celle-ci repose sur un examen :

• de la biologie ;

• de l’occlusion ;

• de la perte de substance ;

• de l’intégrité mécanique de la dent, adaptée aux contraintes de la CFAO et de l’utilisation de la céramique.

L’analyse biologique reprend l’histoire de la dent et sa vitalité pulpaire en indiquant Indications et mise en œuvre de la CFAO pour les inlaysonlays en céramique les techniques appropriées de thérapeutique pulpaire si nécessaire. L’analyse de l’occlusion statique permet d’anticiper et de maîtriser la problématique des limites de la restauration au niveau des points d’impact occlusaux. Il est préférable de mettre les contacts occlusaux sur la restauration plutôt que sur les parties de la dent restante.

En occlusion dynamique, la situation favorable est celle d’un guidage canin. En cas de fonction groupe, une équilibration préprothétique – allant jusqu’au recouvrement des cuspides guides fragilisées par la restauration – est parfois nécessaire.

 

Perte de substance et aménagement parodontal

L’analyse de la perte de substance revêt deux points importants :

• la situation des limites, qui doivent idéalement être juxta ou bien supragingivales. Si  le n’est pas le cas, il sera nécessaire d’effectuer un aménagement parodontal visant au respect de l’espace biologique. Les restaurations en céramique nécessitent des épaisseurs de tissu résiduel d’au moins 2mm d’épaisseur ;

• la présence de fêlure oblige, lors de la préparation, une prise en charge par frettage ou bien une mise sous pression au moyen d’overlays.

Les règles de préparation obéissent principalement aux contraintes de la confection d’une pièce insérée avec une dépouille de 6°. Cette confection est réalisée grâce à des fraises robotisées de 1,2 mm de diamètre dont les largeurs minimales de préparation périphérique ne devront être inférieures à ce diamètre. L’exigence de la conception par ordinateur exige le respect de dimensions pour chaque partie de la restauration. Des fabricants, tels que Komet, ont mis au point un kit de fraises pour les techniques de conception assistée par ordinateur reprenant les cotes à respecter et incluant des fraises de finitions (bagues rouges) indispensables pour la bonne lecture par la caméra lors de l’acquisition. D’autres accessoires peuvent être conseillés tels que les fender wedges – sortes de coins de bois surmontés d’une matrice métallique permettant de protéger les dents voisines. Dans le même objectif, des inserts soniques permettent de polir les préparations sur une de leur face alors que la face opposée est lisse (et donc non travaillante) et protège les dents avoisinantes. Enfin, des contre-angles alternatifs permettent la finition des surfaces proximales.

Un cas clinique de restauration d’une deuxième prémolaire maxillaire, sur laquelle repose un amalgame fracturé ayant entraîné une détérioration du point de contact avec les dents adjacentes, est présenté.

L’analyse de la situation, selon la méthodologie d’analyse précédemment décrite, a entraîné la réalisation d’une temporisation pulpaire ainsi que d’un aménagement chirurgical parodontal préprothétique.

 

Les étapes particulières à la CFAO

• Le principe de l’acquisition dans le cadre du système Cerec (Sirona) est l’utilisation d’une caméra reliée à un ordinateur dans lequel le logiciel de conception intègre l’ensemble des données acquises pour permettre la réalisation d’un modèle de travail.

• Une poudre de dioxyde de titane projetée sur les dents à enregistrer permet la réfection de la lumière de la caméra.

• La confection du modèle de travail repose sur le placement des différentes images bout à bout (recréant ainsi la partie de l’arcade que l’on souhaite restaurer). Sont ensuite superposées les informations issues d’un mordu d’occlusion.

• Un maître modèle apparaît alors sur lequel un dye est réalisé pour isoler la dent en question.

• Les limites de la préparation sont tracées à l’aide d’un algorithme de reconnaissance des arêtes. Cette étape est facilitée par la taille de limites précises et polies. L’axe d’insertion est ensuite défini.

• La modélisation de la future restauration est issue d’une base de données biogénériques issues des données du constructeur, des parties restantes de la dent et de la forme des dents voisines. La proposition du logiciel peut être modifiée avec un contrôle complet de la forme et des réglages des contacts proximaux et occlusaux (bien que l’occlusion ne nécessite que peu de retouche).

• Dans le cas clinique observé, un bloc d’Empress Cad est utilisé. Cette céramique est disponible en plusieurs teintes et en deux niveaux de translucidité. Le Cerec permet le travail par quadrant. Ainsi, pendant le temps de l’usinage d’une pièce (8 minutes), il est possible de concevoir la restauration de la molaire voisine.

• Les restaurations brutes d’usinage sont validées, maquillées, glacées, puis passées au four pendant 12 minutes environ.

 

Les particularités de l’assemblage des pièces en céramique conçues par CFAO

Elles portent principalement sur la préparation de l’intrados de la pièce. L’intrados est mordancé à l’acide fluorhydrique à 5-9 % de 20 secondes à 1 minute (en fonction du type de céramique). Il est rincé à l’air et à l’eau, puis immergé dans une cuve à ultrasons pendant 3 minutes. Ensuite, on procède à un séchage minutieux, et du silane en fine couche est appliqué pendant au moins 1 minute, idéalement à proximité du four.

L’assemblage s’effectue comme pour tout collage sous digue. La surface dentaire est sablée, puis un système de composite de collage est utilisé avec un adhésif amélo-dentinaire nécessitant un mordançage suivi d’un rinçage. Les étapes suivantes de réglage, de polissage et de contrôle ne diffèrent par des autres restaurations collées.

 

Avantages de la CFAO directe

Cette technique permet :

• l’absence de restauration provisoire ;

• une modélisation mathématique de la face occlusale ;

• une tomographie virtuelle ;

• la fiabilité du système ;

• la durée de l’intervention puisque la confection d’un inlay-onlay en CFAO directe va exiger de 45 à 90 minutes, ce qui est comparable à la réalisation de la même restauration selon une technique conventionnelle en deux séances. La CFAO directe permet également la réalisation de restaurations par quadrant, diminuant ainsi la durée de certaines étapes (deux inlays-onlays en 60 à 120minutes) ;

• sur le plan esthétique, l’intégration des pièces céramiques se rapproche de celle des restaurations stratifiées réalisées par le prothésiste.

 

Dans cette discipline, les clés de la réussite reposent sur la méthodologie d’analyse et de conception ainsi que sur la maîtrise de l’assemblage.