On n’arrête pas le progrès…

Marc Roché (président de la SOP)

Publié le dimanche 01 septembre 2019

« On sait où mène la confusion des genres, entre soin et commerce. »
Marc Roché

THÉOPHRASTE RENAUDOT – celui du prix littéraire attribué chaque automne – nous intéresse ici moins comme fondateur de La Gazette que comme médecin et fondateur du premier dispensaire, où les soins aux nécessiteux étaient gratuits. De confession protestante, et sous la réforme, il put accomplir son œuvre parce qu’il bénéficiait de la protection de Richelieu puis de Louis XIII. L’humanisme était passé par là. Dieu ne pouvant pourvoir à tout, son représentant sur terre, en la personne du roi, veillait sur ses sujets. Les ordres religieux ou hospitaliers faisaient le reste.

Progressivement, avec l’État laïc, les dispensaires ont disparu pour laisser place aux oeuvres philanthropiques financées par les fortunes bourgeoises de la révolution industrielle. Celles-ci, marquées par leur paternalisme, signèrent l’époque qui précédait celle des lois sociales de 1936.

Dans le prolongement de 1936, associations, mutuelles et municipalités ont proposé à leurs administrés des centres médico-sociaux où exercent encore des praticiens salariés. Ici, le geste politique de l’employeur-payeur tient dans le contrat qui lie le praticien à la structure. En effet, lorsque le salaire est fixe et sans rapport avec le chiffre d’affaires ou l’activité, ce type de centre est bien souvent déficitaire. Ce fut le choix politique des mairies communistes qui, sécularisation du dogme religieux oblige, se comportèrent en princes débonnaires.

QUE PENSER DE L’AUTRE CAS DE FIGURE, celui où le salarié est intéressé au résultat financier ? Cela vaut d’ailleurs aussi pour le praticien libéral.

Tout dépendra de son éthique, de sa capacité à respecter la déontologie dans un contexte hiérarchique et économique contraignant qui demande quelque vertu. Car, comme le soulignait Cornelius Castoriadis, le système capitaliste avait pu fonctionner jusque-là parce qu’il avait « hérité d’une série de types anthropologiques […] crées dans des périodes historiques antérieures par référence à des valeurs alors consacrées et incontestables : l’honnêteté, le service de l’État, la transmission du savoir, la belle ouvrage ».

Il y a quelques années, il a suffi qu’une ministre de la Santé, mal inspirée par l’esprit néolibéral du temps, assouplisse les conditions d’ouverture des centres de santé pour qu’apparaisse le centre dentaire dit « low cost ». Celui-ci relève donc de « valeurs actuelles », celles d’un « business model » d’investisseurs extérieurs au monde dentaire, voire hors frontières. Ils se proposent, là où d’autres sont déficitaires, « to make money » en soignant les plus démunis !

OR, ON SAIT OÙ MÈNE LA CONFUSION DES GENRES entre soin et commerce après le scandale Dentexia ! On sait également que certains sont passés maîtres en matière de contournement des lois. La solution est pourtant simple. Il suffit de casser la chaîne des conflits d’intérêts. Pour cela, le modèle existe : un contrat de travail prévoyant un salaire fixe. Restera alors au praticien à poser la bonne indication. Bien formé, il sera en mesure de la moduler en fonction du patient.

Là est l’esprit des formations que la SOP conçoit et propose à tous, libéraux et salariés.
 

Marc Roché, président de la SOP