Un pavé dans la mare

Meyer Fitoussi et Marc Roché

Publié le jeudi 01 février 2018

50 ans après mai 1968, voilà une nouvelle révolution pour laquelle il n’y a pas lieu de pavoiser…
Meyer Fitoussi et Marc Roché

LA SOP VA-T-ELLE À NOUVEAU FÊTER UN CINQUANTENAIRE EN 2018 ? La question vaut d’être posée. Car pour notre profession, les « événements » de mai 1968 furent aussi une véritable révolution : de ce bouillonnement, naquirent nos 16 UFR d’odontologie. Avec son entrée dans l’Université, notre discipline accomplit alors un bond de géant. Hélas, malgré cela, 50 ans après, nos gouvernants s’étonnent qu’un jeune diplômé ne soit pas en mesure de faire bénéficier la population française des acquis universitaires.

Alors, à qui en incomberait la faute, si fautif il y a ? Sans aucun doute d’abord à l’État, qui s’est désengagé. En ajoutant une sixième année au cursus d’odontologie et en créant un internat à moyens constants, les gestionnaires ont sommé le corps enseignant de faire davantage dans le cadre serré de contraintes budgétaires intenables. Puis on a rappelé aux doyens des facultés qu’il leur incombait également une mission de formation continue tout en les incitant à aller y chercher les ressources dont ils avaient besoin. Une quête qui ne put se faire qu’au détriment de la formation initiale. Ainsi, le catalogue des diplômes universitaires payants s’est aujourd’hui étoffé et, de facto, les études, les vraies, semblent ne devoir débuter qu’après l’obtention d’un diplôme que nous qualifierons de « gratuit ». 

NOS JEUNES CONFRÈRES, de la sorte diplômés et ayant un légitime projet de vie, ne peuvent plus de nos jours se satisfaire des seuls honoraires conventionnels. Ainsi ils délaissent l’omnipratique et s’empressent de poursuivre des formations pour acquérir des compétences dans des pratiques exclusives à fort potentiel. Ici, la coresponsabilité de l’assurance maladie est évidemment engagée !

Dans un tel contexte, si rien ne change, le naufrage de l’omnipratique est annoncé. Qui, alors, pour soulager la douleur en urgence ? Qui pour prodiguer des soins courants comme le traitement d’une carie, une extraction simple, la gestion d’une dent de sagesse en phase inflammatoire de désinclusion ?

La mission particulière de l’omnipraticien dans le système de soins doit être reconnue via une rémunération à la hauteur des enjeux. Faute de quoi cette tâche noble et indispensable à la santé publique ne sera plus assurée de façon optimale.

50 ANS APRÈS MAI 1968, la révolution n’a jamais mieux porté son nom puisque, sous certains aspects, nous sommes revenus au point de départ ! Sous le faux nez de l’Université « gratuite » et à travers des formations payantes de plus en plus indispensables, c’est le spectre des écoles dentaires d’antan qui hante nos mémoires. Et cela, dans un contexte économique conventionnel toujours aussi peu incitatif à l’économie tissulaire.

Voilà une révolution pour laquelle il n’y a vraiment plus trop lieu de pavoiser !

 

Meyer Fitoussi et Marc Roché