Alimentation : le praticien, acteur central de l'éducation nutritionnelle des enfants

Alimentation : le praticien, acteur central de l'éducation nutritionnelle des enfants

Information pratique

 

L’alimentation des jeunes enfants est un réel enjeu sanitaire. 

Le chirurgien- dentiste joue un rôle essentiel dans leur éducation nutritionnelle… et celle de leurs parents.

 

Évaluer le risque carieux mais aussi le potentiel érosif lié aux prises alimentaires et inciter à une alimentation équilibrée constituent une démarche obligatoire dans la prise en charge globale des jeunes patients. Même si les connaissances et les habitudes en matière de nutrition ont évolué depuis la mise en place du Programme national nutrition santé (PNNS), en 2001, les professionnels de santé restent des acteurs essentiels dans l’adoption de comportements bénéfiques pour la santé. On a coutume de dire que, sur le plan alimentaire, tout se joue avant l’âge de trois ans. C’est pourquoi il est important de sensibiliser les futures mamans et les jeunes mères à une bonne hygiène alimentaire, à la fois pour elles et pour leurs enfants.

Les habitudes de consommation sont assez voisines dans l’ensemble des pays développés, et l’on y retrouve les mêmes pathologies, liées à une alimentation déséquilibrée.

De nombreuses recommandations émanent du comité de nutrition de la Société française de pédiatrie. De même, le Programme national nutrition santé comporte un volet information-éducation dont les documents sont disponibles auprès de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé et peuvent être téléchargés sur les sites www.mangerbouger.fr et www.inpes.fr).

L’American Academy of Pediatrics a, de son côté, alerté sur les risques liés à la consommation de boissons sucrées à l’école qui sont de trois ordres : le surpoids ou l’obésité liés à l’excès calorique apporté par ces boissons, le risque de déficit en calcium par réduction d’apport de lait et le risque de caries ou d’érosions dentaires.

Elle a également établi des recommandations qui portent sur la nécessité d’une alimentation variée, avec des quantités en lien avec l’activité physique, un apport calorique permettant une croissance et un développement harmonieux et une consommation modérée de sucre et de sel.

Quant à elle, la Société française d’odontologie pédiatrique insiste en particulier sur l’identification des comportements à risque et la nécessaire éducation des parents et des jeunes patients. 

 

Quelle est l’alimentation actuelle des jeunes Français ?

L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (qui est devenue, en 2010, l’ANSES* ) a réalisé deux études individuelles nationales de consommations alimentaires : INCA 1 en 1999 et INCA 2 en 2007 qui permettent de suivre l’évolution des comportements alimentaires. 

Chaque jour, les enfants mangent ainsi 1 760 g d’aliments et boissons dont :

• 270 g de produits laitiers ;

• 180 g de féculents ;

• 80 g de légumes ;

• 70 g de fruits ;

• 70 g de viennoiseries, pâtisseries, gâteaux.

Les boissons représentent 51 % de cet apport, qui est légèrement supérieur chez les garçons.

La répartition selon les groupes de nutriments évolue peu : 46,6 % de glucides, 38 % de lipides et 15,4 % de protéines, alors que les recommandations précisent un apport de 50 % à 55 % de glucides, de 30 % à 35 % de lipides et de 10 % à 12 % de protéines.

Il ressort de ces études que la tendance générale est à la baisse pour la viande, le lait, le fromage, le pain, les produits sucrés. Il en résulte des déficits d’apport en mi- cronutriments et en parti culier de calcium. 50 % des adolescents n’absorbent que les deux tiers des apports nutritionnels conseillés. Les produits laitiers constituent la source essentielle de calcium, avec les légumes et les fruits sans négliger certaines eaux minérales.

 

Quelle est l’évolution des comportements ?

Les nombreuses données exposant les bénéfices de l’allaitement maternel pour la santé du nouveau-né ont conduit les pédiatres à recommander cette pratique. À ce jour, il n’y a pas d’évidence scientifique démontrant la relation entre l’allaitement maternel et le développement de caries précoces.

Néanmoins, le praticien doit mettre en garde les mères à propos des risques buccodentaires liés à un allaitement au sein sans restriction : dès que les dents commencent leur éruption dans la cavité buccale, le bébé ne doit plus être nourri ad libitum.

Des études ont démontré l’efficacité des programmes de promotion de la santé (intégrant les recommandations nutritionnelles) mis en place précocement, dès la grossesse, pour prévenir les caries du jeune enfant. Des mères bien informées auront des comportements bénéfiques dans la mesure où elles identifieront les aliments bénéfiques pour la santé générale et pour les dents en particulier. Elles sauront aussi aider à développer, dès le plus jeune âge, l’attirance de leur enfant pour certains aliments tels que les fruits et les légumes.

Les parents, et en particulier les mères, doivent rester la cible de l’éducation nutritionnelle, car la consommation alimentaire des enfants est souvent le reflet des habitudes maternelles. Les coutumes familiales influencent également les comportements des enfants : la consommation de fruits et, dans une moindre mesure, celle des légumes sont corrélées à ces usages.

 

Le petit déjeuner et les collations

75 % des enfants ont gardé le rythme de trois repas quotidiens ; cependant, chez les adolescents, cette tendance s’estompe, et seulement 50 % des jeunes de 15 à 17 ans conservent cette habitude.

L’âge influence la composition des petits déjeuners. Chez les moins de 13 ans, le petit déjeuner traditionnel est remplacé par un produit laitier et des céréales, et 17 % des adolescents consomment des viennoiseries. Seuls 16 % des jeunes suivraient les recommandations du PNNS qui associent un produit céréalier, un produit laitier et un jus de fruits ou un fruit. Pour ce qui est de la pratique du goûter, elle persiste chez 36,5 % des jeunes de moins de 14 ans.

Le respect des recommandations énoncées limite les grignotages tout au long de la journée qui contribuent à des excès d’apports caloriques.

 

Quelles boissons consomment les jeunes ?

La consommation importante de sodas est une tendance observée chez tous les enfants et les adolescents, y compris hors de nos frontières, mais l’apport hydrique quotidien de 1,5 litre n’est respecté par aucun d’entre eux.

Entre les études INCA de 1999 et 2007, on observe un accroissement de la consommation des sodas de 26 % et des jus de fruits de 77 %.

Les jeunes ont une alimentation riche en aliments et boissons vecteurs de glucides simples.

L’apport des glucides lié à la consommation réelle des sodas passe de 174 g par jour à 6-8 ans, à 237 g à 12-14 ans. Cet apport est important puisqu’il intervient en dehors des repas, conduisant le plus souvent à un excès de glucides simples. Les adolescents sont les plus gros consommateurs de ces boissons.

Parmi les nouvelles boissons, l’on peut citer les « smoothies », à base de fruits ou de légumes mixés qui contiennent des micronutriments intéressants comme les vitamines ou les fibres. Cependant leur consommation excessive est nocive car ils apportent en moyenne 100 kcal à 250 kcal. Il faut rappeler aussi la présentation actuelle de certaines bouteilles avec un bouchon à bec qui favorise le « biberonnage ».

 

Quels sont les risques bucco-dentaires liés à ces comportements ?

De nombreuses études ont évalué le risque carieux lié à la consommation des boissons sucrées. Il existe une association entre des indices de caries élevés et la consommation fréquente de boissons sucrées et, à l’inverse, l’observation de faibles taux carieux chez les enfants qui boivent du lait et consomment des produits laitiers. Les facteurs protecteurs relevés sont la présence des graisses, de calcium, de phosphore et de caséine.

Il est à signaler que, chez le très jeune enfant, la consommation importante de boissons sucrées est un facteur éminemment cariogène dès l’âge de trois ans.

Outre le risque carieux, il faut signaler le potentiel érosif des boissons rafraîchissantes, des jus de fruits et des boissons pour sportifs. C’est l’acide qui donne le goût à ces boissons ; il s’agit, entre autres, de l’acide citrique, de l’acide malique, de l’acide phosphorique et de l’acide carbonique. Le potentiel érosif de ces boissons est lié au pH, à l’acidité titrable mais aussi à la composition en calcium et en phosphate. Les eaux édulcorées ont, elles aussi, un potentiel érosif du fait de leur acidité. Le pH de ces boissons varie entre 2,1 et 3,3, les plus acides étant le citron, le citron vert, la pêche et le pamplemousse.

La fréquence et la durée du contact avec les acides sont un facteur de risque important, en particulier la nuit lorsque la production de salive est réduite.

La formule d’Hippocrate, « l’alimentation est notre première médecine », apparaît plus que jamais d’actualité face au développement des pathologies liées à la nutrition, ou plutôt à la malnutrition. L’alimentation des enfants doit faire l’objet d’une très grande attention de la part des adultes, et cela dès la naissance puisque les habitudes nutritionnelles du très jeune enfant influenceront ses comportements ultérieurs. Il convient dans cette mesure de renforcer les messages du PNNS car il existe souvent un décalage entre les connaissances et l’acquisition de comportements favorables.

Dans cette démarche participative, le chirurgien-dentiste demeure un acteur à part entière de l’éducation nutritionnelle de l’enfant.

 

 

Marysette Folliguet

Université Paris Descartes

Bibliographie sur demande à la SOP.

 

 

 

ANSES : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.   

 


  

Le résumé complet avec tableaux informatifs est à télécharger ci-dessous :