Placebo

Philippe Milcent (rédacteur en chef du JSOP)

Publié le mercredi 15 février 2017

La douleur : un signal d'alarme stupide et inefficace
Philippe Milcent

LA DOULEUR EST UN PHÉNOMÈNE COMPLEXE qui relève de la neurologie, de la pharmacologie, de la cognition et de l’émotion, du contexte et de la culture, et de bien d’autres facteurs encore, mal connus. Malgré tous les moyens dont nous disposons pour lutter contre cette douleur, elle est souvent le personnage central dans un cabinet dentaire. Même si la douleur n’est pas réelle, la peur de la douleur, elle, existe.

La naloxone est une molécule qui bloque les récepteurs cérébraux de la morphine et des opiacés autosécrétés par l’organisme. Elle bloque également l’analgésie provoquée par des placebos, habituellement efficaces. En revanche, les techniques hypnotiques ne sont pas inhibées par cette molécule, ce qui prouve au passage que l’hypnose n’est pas un placebo (1), mais que les placebos ont un réel effet biologique, au moins sur le système neurovégétatif.

 

MAIS, SUR LE PLAN STRICTEMENT CLINIQUE, est-il bien important de savoir si une molécule, une technique, une manoeuvre proviennent de l’effet placebo ou pas ? Ce qui compte, in fine, c’est leur efficacité. On sait par exemple que le toucher, qui est une forme de communication non verbale, a un pouvoir thérapeutique et calmant (2).

Si l’on admet que la maladie n’a pas de sens (3), que la douleur n’a pas de justification, qu’elle ne sert à rien, et pire, qu’elle avilit et affaiblit ceux qui la subissent, tous les moyens sont bons pour la faire disparaître ou au moins la diminuer au maximum.

La « machine humaine » est suffisamment complexe, il ne faut donc rien négliger dans les médecines alternatives, y compris ce que nous nommons les médecines du monde (4).

 

LA CONDITION PRÉALABLE est qu’elles soient appliquées ou sous contrôle de professionnels compétents en mesure d’établir un diagnostic complet et juste. La douleur comme signal d’alarme est probablement le système le plus stupide et le moins efficace que l’on puisse concevoir : une pulpite est très douloureuse et, néanmoins, elle ne met pas la vie de l’individu – ni même celle de la dent – en danger.

Une parodontite peut être longtemps asymptomatique. Elle entraîne pourtant plus de perte de dents que les caries, et elle a des incidences sur certaines pathologies générales. Cependant, cacher un symptôme, y compris douloureux, peut s’avérer dangereux et dissimuler une pathologie grave. Il nous faut donc combattre la douleur, mais ne pas ignorer ce qu’elle peut nous dire.

La journée du 23 mars intitulée « De l’anesthésie à l’hypnose » devrait nous aider à répondre à toutes ces questions et à bien d’autres.

 

Philippe Milcent, rédacteur en chef du JSOP

 

(1) Guy-Coichard C, Boureau F, Comprendre l’effet placebo pour mieux traiter la douleur, Rev. Med. Interne 2005, 26 : 226-232.

(2) Field T. Touch, Cambridge, MA, MIT press, 2001 (traduit en français sous le titre : Les bienfaits du toucher, Paris, Payot, 2003).

(3) Janssen T., La maladie a-t-elle un sens ? Fayard, 2008 ; 33-125.

(4) Janssen T., La solution intérieure. Vers une nouvelle médecine du corps et de l’esprit. Pocket, 2006 : 245-303.