« Parlez-moi d'moi, y'a que ça qui m'intéresse »

Marc Roché (président de la SOP)

Publié le lundi 13 juin 2016

« La SOP défend un métier qui, en soignant autrui, permet de se construire. »
Marc Roché

« ON CONNAÎT LA CHANSON » AURAIT DIT ALAIN RESNAISMais comme le moi est haïssable, en l’occurrence, on parlera plutôt de la SOP et donc de vous.

« On » vit dans un environnement caractérisé par l’instabilité et la perte de repères du fait de la rapidité avec laquelle évoluent techniques et technologies, du fait aussi de l’extrême rapidité des échanges et de la communication qu’elle autorise.

« On » place l’espoir dans la start-up et « l’appli qu’y faut ».

Or, les capacités humaines d’adaptation comme celles des États, dans un tel contexte, sont vite dépassées. Et, alors que diplômes et licences pouvaient encore laisser penser que ceux qui en disposaient étaient protégés, l’épisode Uber contre taxis nous convainc de l’inverse.

Dans l’avenir, seules, compétence et efficience seront gages de sécurité.

La crise identitaire stigmatisée par le monde politique traverse la société et nul domaine n’y échappe, pas même le nôtre. La gouvernance technocratique, mais aussi le management dans le monde du travail, y sont pour beaucoup. Le sous-titre de l’essai (1) de la sociologue Danièle Linhart : « De la déshumanisation taylorienne à la surhumanisation managériale », résume la façon dont l’individu est bafoué dans son épanouissement au travail : le professionnalisme et les métiers sont niés ; les process s’imposent et l’ordre vient d’en haut.

 

TOUT CE QUE NOUS ABHORRONS À LA SOP, non « pas [tant] de recevoir un ordre, mais d’entrer dans un ordre » ; car il a été compris « que dans cet ordre neuf tout était déjà décidé, et les sens apaisés comme par le lait maternel.» (2).

Avec la formation continue telle qu’elle la propose, la SOP défend un métier qui, en soignant autrui, permet de se construire. Elle le défend car elle conserve une forte identité ; une identité qui est ancrée dans l’histoire qui l’a faite et dans sa présence non virtuelle sur le terrain d’une formation continue qu’elle a toujours voulue volontaire et indépendante.

Aussi, dois-je, ici, témoigner à la SOP ma profonde gratitude pour le développement professionnel et personnel continu (DPPC) qu’elle m’a apporté, dès la faculté et tout au long de ma carrière professionnelle.

Et, aujourd’hui, remercier son conseil d’administration pour la confiance qu’il me témoigne en me portant à sa présidence.

Cet honneur, certes, confère des obligations, si l’on en croit la première ligne de l’essai-testament de Simone Weil (3) pour qui « La notion d’obligation prime le droit qui lui est subordonné et relatif. » (4). Tout un programme !

Qui commence en proposant au plus grand nombre, en devenant membre de la SOP, d’ambitionner un DPPC au-delà d’un simple DPC !

  

Marc Roché, président de la SOP

   

(1) Linhart (Danièle), La comédie humaine du travail, coll. « Sociologie clinique », éd. Érès, Toulouse, 2015.

(2) Musil (Robert), L’Homme sans qualités, coll. Points, éd. Le Seuil, Paris, T1, p. 350.

(3) Weil (Simone), L’Enracinement, coll. « Folio essais », éd. Gallimard, Paris, 1943, p. 9.

(4) Suite de l'essai-testament de Simone Weil :

 « La notion d’obligation prime le droit qui lui est subordonné et relatif. Un droit n’est pas efficace par lui-même, mais seulement par l’obligation à laquelle il correspond ; l’accomplissement effectif d’un droit provient non pas de celui qui le possède, mais des autres hommes qui se reconnaissent obligés à quelque chose envers lui. L’obligation est efficace dès qu’elle est reconnue. Une obligation ne serait-elle reconnue par personne, elle ne  perd rien de la plénitude de son être. Un droit qui n’est reconnu par personne n’est pas grand-chose.

Cela n’a pas de sens de dire que les hommes ont, d’une part des droits, d’autre part des devoirs. Ces mots n’expriment que des  différences de points de vue. Leur relation est celle de l’objet et du sujet. Un homme considéré en lui-même a seulement des devoirs, parmi lesquels se trouvent certains devoirs envers lui-même. Les autres, considérés de son point de vue, ont seulement des droits. Il a des droits à son tour quand il est considéré du point de vue des autres, qui se reconnaissent des obligations envers lui. Un homme qui serait seul dans l’univers n’aurait aucun droit, mais il aurait des obligations. »